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grands efforts « autrefois pour introduire les ambassadeurs étrangers comme des suppliants « les jours de pardon » parmi les vassaux et les tributaires de l’empire, leurs présents étant représentés comme des offrandes déprécatives, afin de détourner la punition méritée par des offenses contre leur suzerain et maître. »

L’histoire primitive de l’Europe nous montre également par des exemples que l’offre de présents avait pour but une propitiation générale, une propitiation spéciale, et était en outre un témoignage de soumission. On nous rapporte que pendant la période mérovingienne, « en un certain jour, une fois par an, au Champ-de-Mars, des présents étaient offerts, selon l’ancien usage, aux rois par le peuple, » et que cet usage continua de subsister jusque dans la période carlovingienne, les présents étant de toute sorte, des mets et des liqueurs, des chevaux, de l’or, de l’argent, des bijoux, des vêtements. Nous savons qu’ils étaient offerts par des particuliers et par des communautés, les villes exprimant ainsi leur soumission. Nous savons également qu’à partir de l’époque de Gontran, qui fut comblé de présents par les habitants d’Orléans à son entrée dans la ville, l’usage s’établit dans les villes de rechercher par des présents les bonnes grâces des monarques qui les visitaient, et que plus tard ces présents devinrent obligatoires. Dans l’ancienne Angleterre, aussi, quand le monarque visitait une ville, les présents, d’abord volontaires, ensuite obligatoires, imposaient une si lourde charge, que dans quelques cas « le passage de la famille royale et de la cour était regardé comme un grand malheur ».

Ainsi groupés, ces témoignages suggéreront à tous les lecteurs la conclusion que les présents, après avoir été d’abord propitiatoires, volontaires et exceptionnels, et après être devenus, à mesure que le pouvoir politique s’est fortifié, moins volontaires et plus généraux, ont donné peu à peu naissance à des contributions universelles et obligatoires, à un tribut régulier, et que, avec l’établissement de la circulation monétaire, ce tribut s’est changé en impôts. Ce que Malcolm dit des usages de la Perse nous fait bien voir comment cette transformation s’opère, quelles causes y poussent continuellement et convertissent des présents extra-volontaires en des présents extra-involontaires. En parlant « des taxes irrégulières et oppressives auxquelles les Persans sont continuellement exposés », il dit : « Les premières d’entre ces taxes extraordinaires peuvent être appelées des présents habituels et extraordinaires. Les présents habituels sont ceux offerts annuellement au roi par tous les gouverneurs des provinces et des districts, les chefs des tribus, les ministres et tous les grands dignitaires, à la fête de Nourouz, ou à l’équinoxe du