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herbert spencer. — études de sociologie.

printemps… La somme présentée à cette occasion est généralement réglée par l’usage ; si elle n’est pas atteinte, il y a disgrâce ; si elle est dépassée, il y a surcroît de faveur. »

Différents cas nous montrent par la nature des objets donnés et par le retour périodique des présents que sous cette espèce de pression les présents irréguliers furent remplacés par le tribut régulier. Nous supposons que les dons doivent être agréables : ils seront donc naturellement choisis parmi ce que le peuple a de meilleur et en plus grande abondance. Aussi, quand ils deviennent réguliers dans un vaste royaume, représentent-ils les produits des différents districts, comme dans l’ancien Pérou, où une province envoyait des bois odoriférants, une autre du coton, celle-ci des émeraudes et de l’or, celle-là des perroquets, du miel et de la cire ; ou dans l’ancien Mexique, où les villes donnaient « ce que la contrée produisait, du poisson, de la viande, du blé, du coton, de l’or, etc., car elles n’avaient pas d’argent monnayé. » Dans d’autres cas où la nature des présents n’est pas bien réglée, les dons offerts, par le même endroit seront très-divers, comme, par exemple, ceux que les villes offraient aux anciens rois de France : « bœufs, moutons, vin, avoine, gibier, torches en cire, confitures, chevaux, armes, vases d’or et d’argent, etc. Évidemment, quand les présents deviennent un tribut, on trouvera cette variété d’articles, déterminée tantôt par le caractère de la localité, tantôt par les talents de quelques individus.

Dans quelques sociétés relativement petites où l’autorité gouvernementale est solidement établie, nous trouvons des exemples frappants de la manière dont l’offre de présents se transforme en payement de tribut à mesure qu’elle devient périodique. Dans les îles Tonga, « la classe supérieure des chefs offre au roi à peu près tous les quinze jours un présent consistant en porcs et en ignames ; ces chefs reçoivent à leur tour des présents de ceux qui sont placés au-dessous d’eux, ceux-ci de leurs inférieurs, et ainsi de suite jusqu’à la basse classe. » L’ancien Mexique, composé de provinces subjuguées à différentes époques et parmi lesquelles il y avait divers degrés de sujétion, montrait les différentes phases de la transformation des présents en tribut. Parlant de l’époque de Montézuma Ier, Duran dit : « La liste des tributs comprenait tout. Les provinces… payaient ces contributions… depuis qu’elles étaient conquises, afin que les vaillants Mexicains… cessassent de les détruire ; » ce passage prouve clairement que ces présents étaient d’abord propitiatoires. Plus loin nous lisons que « dans le Meztitlan le tribut n’était pas payé à époque fixe… mais quand le seigneur en avait besoin… Ils ne songeaient pas à accumuler les tributs, mais ils demandaient ce dont ils