Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/524

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
514
revue philosophique

huitième ; cette dernière est due à l’empereur et à Dieu. Anciennement, la répétition avait une signification analogue chez les Hébreux. Ainsi Nathan « s’inclina devant le roi jusqu’à terre, » Abigaïl et Ruth saluèrent de même, la première le roi David, la seconde Boas ; enfin « Jacob s’inclina sept fois jusqu’à terre en approchant son frère. »

On devinera facilement que cette attitude du vaincu prise par l’esclave devant son maître et par le sujet devant son souverain devient celle de l’adorateur devant la Divinité. L’Orient nous fournit assez d’exemples dans le passé et le présent. Nous voyons par les annales des Hébreux qu’on se prosterne complètement devant l’Etre dont on veut gagner la faveur, qu’il soit visible ou invisible. Ainsi Abraham se prosterna devant Dieu « quand celui-ci vint s’entretenir avec lui » ; ainsi Nebuchadnezzar tomba la face contre terre et rendit hommage à Daniel ; de même, quand ce roi éleva une statue d’or, il proclama la peine de mort contre tous ceux « qui refuseraient de se prosterner devant elle et de l’adorer ». Pareillement, la prosternation incomplète a lieu devant les dieux comme devant les rois. Quand ils rendent hommage à leurs idoles, les Mongols touchent trois fois le sol avec le front, les Kalmouks seulement une fois. De même les Japonais dans leurs temples « tombent à genoux, inclinent la tête jusqu’au sol, lentement et avec grande humilité. » Les dessins qui représentent les Musulmans au moment de leurs dévotions nous familiarisent avec une attitude semblable.

Ces salutations rampantes peuvent varier beaucoup, tout en conservant le trait commun que les inférieurs, qui les pratiquent, se maintiennent à un niveau plus bas que les supérieurs. Des attitudes de prosternation complète sur le dos ou sur le visage et de demi-prosternation à genoux, nous passons à diverses autres qui cependant impliquent toujours une incapacité relative de résistance. Dans quelques cas, il est permis de varier l’attitude, comme au Dahomey, où « les officiers supérieurs se couchent devant le roi dans la position des Romains sur le triclinium. Quelquefois ils se placent sur le ventre ou se reposent en se tenant « à quatre pattes ». Duran rapporte que « l’accroupissement… était, chez les Mexicains, l’attitude respectueuse, comme chez nous la génuflexion. » L’accroupissement est un signe de respect parmi les Néo-Calédoniens, comme aux îles Fidji et à Taïti.

D’autres changements dans les attitudes de ce genre sont amenés par les nécessités de locomotion. Au Dahomey, « quand les habitants approchent le roi, ils rampent comme les serpents ou s’avancent en glissant sur les genoux. » Quand ils changent de place devant un supérieur, les Siamois « se traînent sur les mains et les