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la faveur de la Divinité ; ainsi « Josué déchira ses vêtements, resta prosterné devant l’arche du Seigneur jusqu’au soir, lui et les anciens d’Israël, et tous se couvrirent la tête de poussière. » De nos jours, cet usage se retrouve chez les catholiques dans les occasions d’humiliation spéciale.

Nous sommes encore obligés de revenir à cet hommage originel qui d’abord est en réalité, et ensuite simule l’attitude du vaincu devant le vainqueur, afin de retrouver le fil d’une nouvelle série de ces mouvements du corps qui indiquent la soumission. Je veux parler de l’action de joindre les mains. Dans un paragraphe précédent, nous avons montré le Khond suppliant « se prosterner les mains jointes ». D’où vient cette position des mains ?

J’ai déjà donné un exemple qui en indique la genèse naturelle ; je l’ai choisi parmi les usages d’un peuple chez lequel la soumission et toutes les marques de soumission étaient poussées à l’extrême. C’était un signe d’humilité dans l’ancien Pérou d’avoir les mains liées et la corde au cou, c’est-à-dire on simulait l’attitude des captifs. Il est inutile de citer des témoignages indiquant que c’était généralement l’usage de réduire les prisonniers de guerre à l’impuissance en leur liant les mains ; à la vérité, le fait que chez nous la police met les menottes aux personnes accusées d’un crime montre suffisamment combien cette méthode de rendre les prisonniers impotents se présente naturellement à l’esprit. S’il faut d’autres preuves que les mains liées, originairement la marque du vaincu, deviennent dans la suite le signe habituel de la sujétion, nous pouvons les trouver dans deux coutumes étranges existant respectivement en Afrique et en Chine. Quand le roi d’Uganda rendit visite aux capitaines Speke et Grant, « ses frères, une troupe de petits gamins, dont quelques-uns avaient les menottes aux mains, étaient assis derrière lui… On dit que le roi, avant de monter sur le trône, sortait toujours les mains enchaînées, comme font maintenant ses petits frères. » Doolittle rapporte qu’en Chine, « le troisième jour après la naissance d’un enfant… on lui lie les poignets. L’enfant garde ces liens jusqu’à ce qu’il ait quatorze jours… quelquefois pendant plusieurs mois, ou même pendant un an… On pense que cette déligation des poignets empêchera l’enfant de devenir dans la suite un sujet d’ennui. »

Ces indications sur l’origine de cet usage, et ces exemples des pratiques qui en sont dérivées nous forcent de conclure que l’action d’élever les mains jointes signifiait en réalité qu’on présentait les mains pour qu’elles fussent liées. L’attitude du Khond décrite ci-dessus nous montre la posture sous sa forme originelle, et en lisant