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herbert spencer. — études de sociologie.

rues principales, le corps à demi-nu et le peu de vêtements qui leur restaient en guenilles, tandis que la tête, la figure et la poitrine étaient presque entièrement couvertes de cendres. » Il est donc clair que la demi-nudité, les vêtements déchirés ou grossiers, exprimant la soumission à un supérieur vivant, servent aussi à exprimer la soumission à l’égard de celui qui, étant mort et étant devenu un esprit, a ainsi acquis un pouvoir dont on a peur. La preuve que telle est réellement la signification de cet acte, c’est qu’il devient aussi un acte de subordination religieuse. Ainsi Isaïe, donnant lui-même l’exemple, exhorte les Israélites rebelles à faire la paix avec Jahveh et leur dit : « Dépouillez-vous, mettez-vous nus, et ceignez vos reins de toile à sac ; » ainsi les quatre-vingts hommes qui vinrent de Shechem, Shiloh etSamaria, pour apaiser Jahveh, non-seulement se coupèrent les cheveux et se balafrèrent, mais déchirèrent encore leurs vêtements. Le parallélisme existe aussi pour la nudité des pieds. Cette nudité, qui, nous l’avons vu, est un signe d’humilité devant un chef, devient un signe de deuil chez les Hébreux, comme nous le voyons par le commandement dans Ezéchiel (xxiv, 17) : « Tu ne pleureras pas les morts, tu ne porteras pas le deuil, tu te pareras la tête et tu mettras tes souliers à tes pieds. » Oter les souliers était aussi un acte d’adoration chez les Hébreux. À propos des Péruviens, qui se présentaient nu-pieds devant l’Inca, nous lisons que « tous, excepté le roi, ôtèrent leurs souliers à deux cents pas du temple du soleil, mais le roi garda ses souliers, jusqu’à ce qu’il fut à la porte. » La même observation peut être faite relativement à l’usage de se découvrir la tête. Pratiqué en même temps que d’autres actes cérémoniels pour attirer le bon vouloir du supérieur vivant, il a également pour but de rendre propices l’esprit du mort ordinaire et celui du mort extraordinaire qui, étant déifié, est adoré d’une façon permanente. Même chez nous, on se découvre encore autour de la tombe ; sur le continent, on se découvre quand on rencontre un cortège funèbre. On ôte le chapeau devant les images du Christ et de la Madone à la maison et quand on est dehors, comme il est recommandé dans les anciens livres sur les bonnes manières ; on ôte le chapeau et on se jette à genoux dans les pays catholiques quand le Saint-Sacrement passe ; partout on se découvre quand on entre dans un édifice religieux.

Nous ne devons pas oublier de dire que les saluts de ce genre rendus d’abord aux personnes les plus élevées et les plus redoutées, ensuite aux personnes moins puissantes, prennent peu à peu de l’extension, jusqu’à ce qu’ils deviennent d’un usage général. Les citations données plus haut ont montré incidemment qu’en Afrique on