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par Lotze, dans l’article précité, trouvent ainsi une solution, et que de son côté « la théorie empirique reçoit une nouvelle extension ; vu que la notion d’espace cesse d’être une forme préexistante de notre intuition pour devenir, comme les notions de couleur, de son, etc., une acquisition de notre intelligence due aux sensations spéciales d’un organe périphérique. » Enfin « nous comprenons pourquoi c’est justement un espace à trois dimensions qui sert de base à notre géométrie euclidienne. Les axiomes géométriques nous apparaissent ainsi comme imposés par les limites de nos organes du sens » (pp. 72-73).

S’il existe un sens de l’espace, ayant un organe périphérique spécial (les canaux semi-circulaires), une question délicate se pose : Quel est l’agent extérieur qui, agissant sur les nerfs des canaux membraneux, peut nous amener à la représentation d’un espace à trois dimensions ? Tout organe sensoriel, en effet, n’entre en action que sous l’influence d’un agent qui lui est approprié (par ex. : lumière, son, etc.). — M. Cyon ne hasarde sur ce point que des conjectures. Il est possible que, par suite des mouvements de la tête ou d’autres causes, il se produise dans l’endolymphe[1] des vibrations qui se communiquent aux terminaisons nerveuses contenues dans les ampoules. On ne sait pas bien encore comment ces terminaisons sont excitées. D’ailleurs la sensation provoquée dans ce. cas étant « inconsciente », nous n’en pouvons parler que comme des autres sensations inconscientes, par exemple des sensations d’innervation. « Il faut d’ailleurs toujours garder en vue que les sensations ne sont pour notre intelligence que des signes à l’aide desquels nous formons nos représentations. Pour que les sensations provoquées par l’excitation des canaux semi-circulaires puissent servir à la formation de nos notions de l’espace, il n’est nullement nécessaire que la nature de ces sensations contienne déjà en elle-même l’idée d’une étendue » (p. 94).

Cette dernière remarque nous paraît très-juste. Aussi, nous ne voyons pas ce que la thèse de l’auteur gagne aux efforts qu’il fait pour aller plus loin, lorsqu’il dit (p. 95) : « Nous pouvons très-bien nous représenter que l’excitation des terminaisons nerveuses d’un canal membraneux produit des sensations d’étendue dans un plan perpendiculaire aux plans des deux autres canaux. Quel que soit l’excitant qui fasse fonctionner les fibres nerveuses distribuées dans les canaux membraneux, le résultat de leur excitation sera toujours une sensation d’étendue dans un plan perpendiculaire aux plans d’étendue des deux autres canaux. Les excitations des trois canaux nous donnent de cette

  1. Liquide qui remplit les canaux membraneux.