Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/669

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
659
E. de cyon. — le sens de l’espace

manière des sensations d’étendue dans trois plans perpendiculaires l’un à l’autre, et ces sensations inconscientes servent à la formation de la représentation d’un espace à trois dimensions. » — M. Cyon, qui accepte en général la théorie de Lotze sur l’espace, semble tomber ici dans le défaut presque inévitable signalé par ce philosophe et qui consiste pour expliquer l’espace à employer des éléments qui impliquent déjà cette notion. Si les sensations ne sont que des signes, quelle nécessité et même quelle utilité y a-t-il à ce que la structure anatomique de l’organe nous offre comme une image de la notion à expliquer ? De plus, si des animaux privés de leurs six canaux parviennent, au bout de quelques mois d’apprentissage, à se mouvoir et à s’orienter de nouveau, comment expliquer ce fait ? Faut-il l’attribuer à la mémoire, ou bien le sens de l’espace détruit peut-il être remplacé ?

Au reste, nous ne nous proposions ici que d’exposer et nous n’avons pris dans ce travail que ce qui concerne un seul point, négligeant d’autres détails intéressants, entre autres une théorie du vertige. L’auteur promet de traiter ailleurs « les modifications que l’existence d’un organe périphérique du sens de l’espace doit apporter dans nos idées philosophiques ». Nous attendons ce travail avec curiosité. Il serait désirable seulement qu’il apportât à l’appui de sa thèse quelques faits cliniques ou quelques observations directes sur l’homme : cela serait d’un grand poids.

Th. Ribot.