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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/103

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ANALYSES. — Der Ursprung der Sprache.

lution intérieure du langage, Caspari admet avec Geiger une époque d’indétermination du langage, durant laquelle l’homme n’était guère au-dessus des bandes de singes criant au hasard l’un vers l’autre, « une confusion de sons digne de Babel » ; l’emploi des interjections serait resté durant tout ce temps le seul moyen de communication des individus. Pure fiction, dit Steinthal.

La dernière théorie de Steinthal. — Ce n’est ni en historien des temps primitifs ni en zoologiste, que M. Steinthal traite ce même problème ; c’est en psychologue. Dans son Abriss der Sprachwissenschaft (1871), il s’attachait à exposer le mécanisme de nos représentations internes, en tant que celui-ci est la condition du langage humain et sépare l’aperception intellectuelle de l’intuition animale. C’est cette supériorité intuitive de l’homme par rapport à l’animal, raison d’être du langage, qu’il s’agissait donc d’expliquer pour avoir la clef de la question. Ce germe d’où est sortie la parole, pourquoi s’est-il uniquement rencontré chez l’homme ? Steinthal admettait tacitement que ce germe avait été informé avec l’espèce humaine par le fait d’un acte créateur (théorie de Humboldt). De son aveu même, une telle manière de voir à la suite du développement des doctrines darwiniennes ne serait plus « excusable » aujourd’hui. Il faut expliquer, au point de vue même du langage, l’évolution de l’espèce humaine au milieu des autres espèces. Il s’agit de ne plus confondre, comme l’a fait Humboldt, l’incessante manifestation actuelle et passée du langage avec sa période de formation primordiale ; de voir comment l’homo primigenius ou alalus de Haeckel a pu s’élever à la parole. Car si l’enfant a inné en lui le germe du langage, l’homme primitif lui ne l’avait pas, et, d’après les théories transformistes, il a mis un temps immensément long à se développer lui-même afin d’élaborer ce germe. Frédéric Müller (Allgemeine Ethnologie, 1873) ne compte-t-il pas douze races humaines antérieures à la formation du langage articulé ?

Dès 1871, dans son Esquisse de la science du langage, M. Steinthal reconnaissait avant l’époque des racines une période préformatrice d’onomatopées ; c’est ce qu’il appelle sa « théorie des sons réflexes », théorie très-éLudiée qu’il maintient encore aujourd’hui. « L’onomatopée est une certaine ressemblance entre le son et l’intuition mentale qu’il signifie. Gardons-nous toutefois de penser ou d’incliner à croire que c’est une représentation phonétique intentionnelle. Il ne faut oublier en aucun cas que l’onomatopée est une irradiation, d’abord de l’impression sensorielle, puis médiatement de la perception, avec laquelle celle-là se manifeste, et enfin, par l’intermédiaire de la perception elle-même, constitue un reflet de l’objet qui vient précisément d’être perçu. Elle est donc un reflet de l’action de l’objet sur le sujet, c’est-à-dire de l’objet sur l’esprit ; l’action de l’objet sur le sujet est réfléchie au dehors sous forme de son. C’est pour cela que l’onomatopée peut aussi être une imitation du son (théorie de Herder), à savoir quand elle est l’action réflexe des ondes sonores qui pénètrent dans la conscience ; mais, loin