Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
revue philosophique

pacificateur ». Shooter nous montre comment ces titres zoulous sont employés, en citant une partie d’un discours adressé au roi : « Vous montagne, vous lion, vous tigre, vous qui êtes noir ! vous n’avez pas votre égal. » En outre, nous avons la preuve que des titres d’honneur ayant cette origine se transforment en titres qui sont appliqués à la position occupée plutôt qu’à la personne de l’occupant ; ainsi Shooter dit que « la femme d’un chef cafre est appelée l’éléphante, tandis que sa principale femme est appelée la lionne. »

Guidés par ces observations, nous arrivons forcément à la conclusion que les noms d’animaux employés comme noms honorifiques, ainsi que nous le voyons dans les annales des races historiques éteintes, ont une origine semblable. Si nous trouvons que de nos jours un des titres du roi de Madagascar est « puissant taureau », et si cela nous remet en mémoire que les ennemis vaincus saluèrent leur vainqueur Ramsès d’un semblable nom honorifique, nous ne pouvons manquer de conjecturer que les noms d’animaux conférés aux rois ont donné naissance aux noms d’animaux conférés aux dieux à titre d’honneur. Ainsi Apis, en Égypte, devient synonyme d’Osiris et de soleil, et taureau devient également l’équivalent de héros conquérant et d’Indra, le dieu-soleil.

Nous pouvons faire la même remarque à propos des titres dérivés d’objets et de forces de la nature d’un caractère imposant. Nous avons vu comment parmi les Zoulous le compliment hyperbolique adressé au roi : « Tu es aussi haut que les montagnes, » passe de la forme comparative à la forme métaphorique dans cette formule de discours : « Vous Montagne. » La preuve que le nom métaphorique ainsi employé devient un nom propre nous est fournie à Samoa, où « le chef de Pango-Pango s’appelant actuellement Maunga ou Montagne, il est défendu de prononcer ce nom en sa présence. » Nous avons des témoignages d’après lesquels les titres conférés aux dieux ont une origine semblable chez les peuplades grossières où fleurit le culte des ancêtres. Les Chinooks, les Navajos et les Mexicains de l’Amérique du Nord, les Péruviens de l’Amérique du Sud regardent certaines montagnes comme des divinités. Or ces dieux ayant encore d’autres noms, on peut admettre que dans tous ces cas un homme déifié avait reçu comme titre d’honneur ou bien. le nom général de montagne, ou le nom d’une montagne particulière, ainsi que cela est arrivé dans la Nouvelle-Zélande. Les comparaisons flatteuses avec le soleil ont donné naissance non-seulement à des noms honorifiques et à des noms divins, mais encore à des titres officiels. Quand nous lisons que les Mexicains désignaient Cortez comme « fils du soleil », que les Chibchas appelaient les Espagnols