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herbert spencer. — études de sociologie

en général « enfants du soleil, » et que le peuple de Tlascala nommait Alvarado « soleil », quand nous lisons qu’on donnait en manière de compliment le nom de « fils du soleil » à tout homme de grand mérite dans le Pérou, où les Incas, regardés comme les descendants du soleil, avaient chacun un titre dérivé de cet astre, nous pouvons comprendre comment « fils du soleil » vint à être un titre porté successivement par les rois d’Egypte dont chacun avait encore un autre nom comme désignation spéciale. Si nous nous rappelons maintenant que les Egyptiens, en même temps qu’ils vouaient un culte régulier à leurs ancêtres, adoraient les rois vivants, l’observation suivante s’imposera à notre esprit : de même que les rois, outre le titre de soleil qui leur était commun, empruntèrent à ce même astre des titres spéciaux, tels que « le soleil devenant victorieux », « le soleil ordonnateur de la création », etc., de même leurs dieux, formés par apothéose, eurent des titres semblablement spécifiés, par exemple « la cause de la chaleur », « l’auteur de la lumière », « la puissance du soleil », « la cause vivifiante », « le soleil au firmament », « le soleil à l’état de repos. »

Étant donné le nom métaphoriquement descriptif, nous avons le germe d’où se sont développés ces titres primitifs d’honneur qui, ayant d’abord été des titres individuels, deviennent dans quelques cas des titres attachés à des charges.

Si nous disons que les termes qui, dans les différentes langues, sont synonymes de notre mot « dieu », sont originairement des noms descriptifs, cette proposition surprendra ceux qui, ignorant les faits, attribuent aux sauvages des pensées analogues aux nôtres ; elle sera aussi difficilement admise par ceux qui, connaissant en partie les faits, persistent cependant à affirmer que l’homme a eu, dès l’origine, la conception d’une puissance créatrice universelle. Mais quiconque cherche la vérité sans parti pris, trouvera des preuves que le terme général pour désigner la divinité était à l’origine un mot exprimant simplement la supériorité. Chez les Fidjiens, ce mot s’applique à tout ce qui est grand et merveilleux ; chez les Malagasys, à tout ce qui est nouveau, utile ou extraordinaire ; chez les Todas, à tout ce qui est mystérieux, de sorte que, selon l’expression de Marshall, « c’est en vérité un nom adjectif marquant la supériorité. » Appliqué à la fois à des objets animés et inanimés pour indiquer une qualité extraordinaire, le mot Dieu se dit également en ce sens des hommes vivants et des hommes morts ; mais, comme on suppose que les morts ont acquis une puissance mystérieuse de faire du bien ou du mal aux vivants, c’est à eux qu’on l’applique, spécialement dans la suite des temps Quoique les mots