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charpentier. — la logique du hasard

est par exemple la proposition : Parmi les hommes de 50 ans, 8 sur 10 vivent jusqu’à 61 ans. Il n’y a nulle remarque à faire sur la manière d’obtenir par induction des propositions de cette dernière espèce ; le procédé est absolument le même que pour les propositions ordinaires ; mais ces propositions obtenues, quel usage en doit-on faire ? La logique ordinaire ne répond rien à cette question. C’est à la logique du hasard qu’il appartient de répondre.

Nous sommes ici au point dominant de toute la théorie. Il faut s’y arrêter et s’efforcer de bien concevoir la différence entre le raisonnement ordinaire et la nouvelle forme de raisonnement étudiée par M. Venn. La discussion sera plus claire sur un exemple. Je suppose qu’il s’agisse de savoir si un certain John Smith, âgé de 30 ans, vivra 20 ans encore. Au point de vue de la logique ordinaire, la méthode est très-simple. Elle consiste à observer la personne de John Smith afin de découvrir en lui quelque manière d’être qui permette de le faire rentrer dans une classe sur laquelle nous puissions énoncer quelque proposition générale. C’est ce qu’on appelle la recherche du moyen terme. Ainsi John Smith est Anglais, et je sais que quelques Anglais âgés de 30 ans vivent jusqu’à 50 ans. Mais de cette proposition on ne peut rien conclure. John Smith réside dans l’Inde, et je sais que, parmi les Anglais âgés de 30 ans qui résident dans l’Inde, quelques-uns vivent jusqu’à 50 ans. Mais de cette proposition on ne peut rien conclure. John Smith est malade d’un cancer d’une certaine forme, et je sais que nulle personne dans de telles conditions ne survit 5 ans. La question est résolue, car je puis former ce syllogisme :

Nulle personne atteinte d’une certaine forme de cancer ne survit 5 ans ;

John Smith est atteint de cette forme de cancer :

Donc il ne survivra pas 5 ans.

Supposons maintenant que la question ait été posée d’une autre manière et qu’on ait demandé si John Smith survivra 1 an. Il est bien possible que je ne trouve en étudiant la personne de John Smith aucun moyen terme qui me permette d’arriver à une conclusion certaine. Alors, au lieu de m’adresser à la logique ordinaire, je consulterai la logique du hasard.

John Smith est Anglais, et je sais que parmi les Anglais âgés de 30 ans, 98 sur 100 vivent un an de plus ; la probabilité pour J. Smith de vivre un an de plus est donc de .

Mais J. Smith réside dans l’Inde, et je sais que, parmi les Anglais qui résident dans l’Inde, 90 sur 100 seulement vivent un an de plus ; la probabilité pour J. Smith de vivre un an de plus est de .

J. Smith est malade d’une certaine forme de cancer, et je sais