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analyses. — fechner. Vorschule der Aesthetik.

de même couleur et de même forme, l’expérience journalière nous a instruit sur la différence de leur nature.

Association complémentaire. — L’association peut non-seulement donner aux objets leur couleur morale mais encore suppléer à celles de leurs parties que nous ne voyons pas et contribuer, plus que l’impression directe, à nous donner le sentiment de l’harmonie ou de la disconvenance. Je suppose un livre d’images ouvert devant moi. On cache à demi la figure d’un animal, d’un chien par exemple, de sorte que j’en aperçois seulement la tête ou le corps. Par association, j’ajouterai un corps à sa tête ou une tête à son corps avec plus ou moins d’exactitude, selon que cette race de chiens m’est plus ou moins connue, sans toutefois que ce complément imaginaire atteigne jamais la précision de la réalité. Pais on découvre la partie cachée de l’animal. J’aurai alors le sentiment qu’elle lui convient ou ne lui convient pas. Je serai satisfait ou déçu. Il en est de même quand les deux parties d’un même tout m’apparaissent à la fois. L’une, en vertu de la loi d’association, élève à l’égard de l’autre des exigences qui, si elles sont remplies ou méconnues, provoquent en moi du plaisir ou du déplaisir. Une œuvre d’art, pour être belle, doit ne pas présenter de contradictions. Tout style architectonique exige une certaine conséquence interne qui, violée dans un de ses motifs, choque les hommes de goût. Sans être connaisseur même, on sera blessé à la vue d’une partie qui d’un style s’égarera dans un autre où elle n’a que faire, parce que, par association d’idées, on sentira qu’elle n’est pas en harmonie avec l’ensemble.

Mais pourquoi un sphinx, un centaure, un ange, autant de figures composées de parties qui ne se trouvent jamais réunies dans la nature, ne nous déplaisent-ils pas ? C’est que l’art nous a accoutumés à les voir réunies. Et si l’on se demande enfin comment l’art a pu s’accommoder de pareils monstres, la réponse est simple. Si, dès l’origine, il eût été, comme aujourd’hui, au service de la beauté, il eût rejeté avec horreur ces figures hybrides ; mais, en naissant, il fut l’esclave de la religion et ne put en exprimer les idées, grossières au début et monstrueuses, que par des images monstrueuses et grossières. Et maintenant que l’esprit humain, sorti de l’enfance, s’est dégagé de ces langes, la tête d’un sphinx nous parait encore convenir à son corps, tant est grande la force de l’habitude et de l’association des idées qui a fondu ensemble ces deux éléments hétérogènes.

Associations d’idées relatives aux couleurs, formes, positions. — Le principe d’association s’applique non-seulement aux objets concrets, mais à des qualités, des proportions sensibles, telles que couleurs, formes et positions. L’esprit est amené naturellement à reporter ces qualités, qu’en certaines circonstances il rencontre toujours dans les mêmes objets, sur des objets analogues.

Couleurs[1]. — Il y a des choses jaunes qui nous sont agréables,

  1. Comparer le chap. sur l’impression directe et associée des couleurs, en particulier du blanc et du noir, 2e  vol., XXXV, p. 224.