vorable et mesquin, n’apparaîtra pas, revêtu qu’il est du charme de nos souvenirs.
A. de Humboldt avait donc raison de dire : « Les paysagistes ne trouveront des motifs acceptables que dans les pays civilisés[1]. »
Conclusion. — Fechner est empirique. Certes, son livre ne fera pas le compte des rêveurs et j’ajouterai même des artistes, qui croiront que cette observation froide, méthodique, inflexible n’est pas l’instrument qu’il faut pour saisir le beau. Le semblable seul, diront-ils, goûte le semblable, et l’art, produit de la sensibilité et de l’imagination, c’est-à-dire des deux facultés les plus mobiles, les plus capricieuses, les plus illogiques, ne sera jamais compris du bon sens, de la raison seule. Du moins, ils devront reconnaître que Fechner a eu la prudence de ne pas empiéter sur le domaine qui lui échappe et de se borner à traiter la question empirique du comment, laissant aux métaphysiciens le soin de traiter celle du pourquoi ; qu’en revanche il est passé maître dans le domaine de l’observation, et que c’est par là[2] — comme Hartmann l'a fort bien dit lui-même — qu’il faut commencer. Le mérite de Fechner, dans le livre que nous annonçons, est donc : 1° d’avoir bien montré que la méthode à suivre pour constituer l’esthétique est celle des autres sciences naturelles, la méthode empirique ; 2° d’avoir ramené l’émotion esthétique au plaisir et indiqué nettement l’objectif de l’observation empirique en cette science, savoir les phénomènes, les conditions du plaisir.
Le style est lourd, terne, enchevêtré, mais dans les réflexions générales seulement, dans le corps du livre ; au contraire, dans les observations de détail, les exemples, il s’anime, devient vif et pittoresque. Nous aurions plusieurs objections à faire, entre autres contre l’idée exclusive que Fechner se fait de la musique[3], en se refusant catégoriquement à lui appliquer, comme aux autres arts, le principe d’association : le son, nous semble-t-il, éveille d’aussi puissantes associations d’idées que là forme ou la couleur. Nous le trouvons sévère à l'endroit du réalisme, trop indulgent pour les peintres amoureux du symbole et qui idéalisent ; enfin, d’un engouement inexplicable pour les fadeurs de Cornélius, ce pâle imitateur de Raphaël. Il nous paraît maintes fois bien timide, bien indécis, bien flottant, quand les observations qu’il consigne commandaient une conclusion ferme et nette. Mais ce sont là réserves de détail. En résumé, il y a grand plaisir et grand profit à lire ce livre : il est donc, selon la définition même de l’auteur, beau et bon, kalokagathos.