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hasard, où notre ignorance nous force à considérer tous les cas comme étant également possibles.

Cependant, si pour certains phénomènes sociaux on fait un grand nombre de séries de Z essais dans le but de découvrir le nombre des cas où l’un des faits élémentaires se produit de telle manière, à l’exclusion de toutes les autres, possibles à des degrés divers, et qu’on trouve que ce nombre reste sensiblement constant et égal à E pour chaque série de Z essais, il peut arriver qu’en prenant le rapport E/Z comme point de départ d’opérations permises dans la théorie des probabilités, on soit conduit à tirer, sur l’ensemble du phénomène, des conclusions qui se trouvent être conformes à celles que fournit l’observation directe. Dans ce cas, le calcul des probabilités acquiert, par expérience, une signification objective ; le rapport E/Z peut s’appeler coefficient de possibilité et devra être considéré comme le critérium empirique des conditions générales de possibilité de l’événement.

Mais, pour qu’un coefficient de possibilité puisse être considéré comme coefficient de probabilité et traité comme tel, la constance approximative n’est pas la seule des conditions requises ; il faut encore que ses diverses valeurs convergent, — quand le nombre des essais croît — vers une limite fixe, autour de laquelle elles devront se grouper, comme on va voir que l’exige la théorie.

Une fois qu’on aura la certitude de se trouver en présence d’un véritable coefficient de probabilité, on sera en droit de lui appliquer toutes les règles, tous les artifices du calcul des probabilités.

Dès lors, un événement individuel se produit-il avec une fréquence et des divergences telles qu’il semble dépendre d’un jeu de hasard offrant E chances favorables contre Z — E ; le phénomène social considéré est non connexe. Nous devons admettre que ses éléments sont tous aussi indépendants les uns des autres que les coups successifs d’un jeu de roulette, où nous ne songeons nullement à supposer qu’une série de vingt rouges influencera le reste du jeu et sera compensée par une égale série de noires. — Si la divergence — ou dispersion — est plus grande qu’on n’est en droit de l’attendre d’un jeu de hasard, la non-connexité est encore moins douteuse. Mais, si elle était sensiblement moindre, il faudrait admettre qu’entre les éléments du phénomène il existe une liaison quelconque, tout comme nous inférons de ce qu’un même coup de dés se reproduit trop souvent, que ces dés doivent être pipés. — Ce serait donc là le critérium des phénomènes concrets connexes.

Mais comment comparer un phénomène social au schéma d’un jeu de hasard ? La réponse à cette question est toute mathématique. M. Lexis l’a traitée ailleurs ; il ne donne dans son ouvrage qu’un aperçu de la méthode qu’il a suivie : elle ne saurait trouver place ici.

À cette méthode qui est fort longue, l’auteur propose d’en substituer