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compayré. — la psychologie de lamarck

comprendre que la matière, obéissant à l’appel de la finalité, s’organisât sous l’influence d’une intelligence toujours occupée à pour-suivre son but. Mais cette intelligence n’apparaît nulle part dans les déductions de Lamarck, et cependant le système de l’évolution n’a de sens que lorsqu’on y soumet les mouvements de la matière à une loi de perpétuelle finalité.

Insistons plutôt sur les parties vraiment fortes de la Philosophie zoologique, par exemple sur la distinction, déjà nettement indiquée, des nerfs du mouvement et des nerfs de la sensibilité. « On a lieu de croire que parmi les différents systèmes particuliers, qui composent le système nerveux dans son perfectionnement, celui qui est employé à l’excitation des muscles est distinct de celui qui sert à la production du sentiment[1] » Quelques expériences avaient mis Lamarck sur la voie de la découverte à laquelle sont attachés les noms de Bell et de Magendie. » On a vu, dit-il, la sensibilité tout à fait éteinte dans certaines parties du corps qui jouissaient de la liberté du mouvement[2]. » Mais ce qui le guidait surtout, c’était un principe théorique : l’idée de la division du travail nerveux. De même qu’il distingue ici les nerfs du mouvement et les nerfs sensitifs, nous la verrons tout à l’heure séparer absolument « le système des sensations » de cette partie du système nerveux qui concourt à la formation des idées.

Un autre point important, c’est que Lamarck n’admet pas une sensibilité inhérente à la matière, qui soit la propriété constitutive des nerfs. Ici, l’auteur est en progrès non-seulement sur Cabanis, qu’il réfute, mais sur les philosophes qui, comme Locke ou Voltaire, n’auraient pas répugné à l’hypothèse d’une matière sensible, puisqu’ils allaient jusqu’à accueillir l’hypothèse d’une matière pensante. « Je ne saurais me persuader, dit Lamarck, qu’une substance aussi molle que celle du cerveau soit réellement active. » — « Ce n’est pas la matière qui sent. » — « Le cerveau n’est qu’un organe passif, et ne reçoit aucune excitation, parce qu’aucune de ses parties ne saurait réagir. » Nous sommes loin de la comparaison fameuse de Cabanis, assimilant le cerveau à un estomac qui digérerait à sa manière, pour les transformer en idées, les impressions transmises par les nerfs. Le cerveau et les autres parties du système nerveux ne sont, dans le mécanisme de la sensibilité et de l’intelligence, que les rouages de la machine, les fils conducteurs ; la force qui les fait mouvoir est ailleurs et ne vient pas d’eux.

De telles prémisses sembleraient préparer une conclusion spiri-

  1. Phil. zoolog., tome ii, p. 188.
  2. Id., tome ii, p. 240.