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wundt. — sur la théorie des signes locaux

surface sensible capable de percevoir l’espace ; en soi et par soi, ces processus nerveux ne peuvent engendrer que des sensations intensives. Si néanmoins l’âme ne les confond pas d’une manière purement intensive comme une succession de sons différents, si elle les dispose dans un ordre extensif, c’est là pour nous un fait constant dont nous n’avons pas à chercher l’explication.

La question qui a conduit à la seconde hypothèse disait au contraire : « L’admission de sensations extensives de la rétine concorde-t-elle avec l’expérience ? et, si ce n’est pas le cas, quelles sont d’après l’observation les plus amples conditions qui doivent s’ajouter aux sensations de la rétine pour que ces sensations passent dans la catégorie extensive ? On commence ici par laisser complètement en repos l’âme hypothétique et par ne point s’occuper de décider si nos sensations cutanées et rétiniennes possèdent directement, outre leur intensité et leur qualité, comme troisième propriété, l’extension.

De cette question procèdent deux tâches qui s’imposent à la recherche psychologique. Il faut d’abord montrer qu’il n’y a pas moyen de faire concorder les expériences optiques avec la supposition que chaque sensation de la rétine est déjà localisée en soi et pour soi, qu’elle possède invariablement outre l’intensité et la qualité une valeur extensive déterminée. Nous pouvons passer sur cette partie du problème. Les tentatives nativistiques (comme chacun sait et comme cela ne manque pas d’arriver quand on veut exploiter à fond une hypothèse insuffisante) ont d’abord conduit à des hypothèses auxiliaires de plus en plus compliquées, lesquelles ont fini par être à leur tour impuissantes, en sorte qu’il a fallu s’aider après tout de l’influence de l’expérience.

Ceci posé, la seconde tâche consiste à établir quelles sont les conditions qui doivent s’ajouter aux sensations de la rétine pour que ces sensations passent dans la catégorie extensive. Ici se présentent évidemment en première ligne les mouvements de l’œil. Quand on eut d’abord démontré leur influence dans la vision binoculaire et stéréoscopique, on observa un grand nombre de phénomènes relatifs à la mesure du champ de la vision monoculaire. Les uns nous mettent forcément sur la trace de cette influence des mouvements ; les autres à tout le moins y trouvent leur plus facile explication. Nous avons remarqué partout que les mouvements de nos muscles sont accompagnés de sensations, qu’on a appelées sensations de mouvement ou sensations d’innervation, parce qu’elles accompagnent visiblement l’innervation des muscles et que les sensations qui se manifestent à la suite des mouvements passifs sont d’une nature essentiellement différente. Je ne crois pas que l’existence de ces sensations puisse