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être traitée d’hypothétique plus que celle des sensations du tact, du goût ou de la lumière. Peut-être ne sont-elles point des sensations indépendantes et se confondent-elles avec celles du tact ; mais ceci même est une hypothèse que nous négligeons et contre laquelle semble d’ailleurs s’élever le fait que nous ressentons différemment les mouvements actifs et passifs. En tout cas, la sensation que nous éprouvons à la suite des mouvements passifs, et qui est selon toute vraisemblance une sensation de tact, nous permet d’admettre que les sensations du tact influent aussi dans le cas des mouvements actifs. J’ai émis la présomption que le discernement exact de la direction du mouvement repose sur ces sensations de tact, tandis que la sensation d’innervation en soi et pour soi ne fournit peut-être qu’une mesure de l’énergie et de l’étendue du mouvement. Il va sans dire qu’il n’y a là qu’une hypothèse par laquelle j’essaye d’assigner son importance probable à chacun des éléments que nous rencontrons dans la sensation de mouvement, en m’appuyant sur les observations que nous possédons d’une part sur la perception des mouvements passifs, d’autre part sur les changements de la notion du mouvement à la suite de simples troubles de l’innervation motrice. Comme dans le premier cas, à la suite de mouvements passifs, on a une notion très-exacte de la direction du mouvement et une notion très-inexacte de son étendue ; comme dans le second cas, quoique le sens du tact n’ait subi aucune altération et que la notion de la direction du mouvement soit restée ce qu’elle était, il se produit néanmoins des illusions très-frappantes sur l’étendue des mouvements ; l’hypothèse se présente pour ainsi dire d’elle-même. Mais nous pouvons la négliger, et il suffit de constater ici que l’expérience indique une action combinée des mouvements de l’œil et des sensations de la rétine, au cours du développement en étendue ou en espace de la forme des notions qui s’acquièrent par la vue.

Dès lors, l’hypothèse la plus plausible est que la propriété d’extension que ne possèdent point les sensations de la rétine appartient aux sensations de mouvement. Considérant que nous pouvons arriver à des notions d’espace, même quand l’œil est dans un repos parfait, il conviendra sans doute d’introduire aussitôt une modification dans cette hypothèse. Au lieu et place d’un mouvement réel, la simple possibilité d’exécuter un mouvement suffira pour la notion extensive. On conçoit en effet qu’une excitation quelconque, agissant sur les bords de la rétine, provoque aussitôt une énergie de mouvement qui tende à transporter l’excitation au point central. Une énergie pareille, même compensée par d’autres énergies qui agiraient en sens inverse, et n’aboutissant pas à un mouvement