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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/238

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ficielle de l’espace, qui nous occupe seule ici comme étant l’aperception primitive, est dès à présent la notion d’une pluralité à deux dimensions, laquelle se distingue du système des signes locaux, en ce que les deux dimensions sont qualitativement équivalentes et échangeables entre elles. Voici donc l’idée que nous nous faisons de l’action commune des signes locaux et des sensations de mouvement. Les signes locaux, quoiqu’ils soient une pluralité à deux dimensions d’espèces différentes, n’en sont pas moins propres à conduire à la notion d’une pluralité à deux dimensions de même espèce, c’est-à-dire à une notion d’espace, en s’associant au continu de même espèce des sensations de mouvement ; et les sensations de mouvement, quoiqu’elles ne soient qu’une pluralité à une seule dimension, sont susceptibles de conduire à la notion d’un continu à deux dimensions en s’associant au continu à deux dimensions des signes locaux. Et si l’on admet que les lois d’union par association et de fusion que signale partout l’expérience psychologique sont aussi applicables à l’ordre primitif des sensations, cette double influence peut aussi se formuler comme il suit :

« Lorsque les sensations de mouvement qui forment un continu d’une seule dimension se fondent par association avec le continu à deux dimensions, mais de même espèce, des signes locaux, elles engendrent un continu de même espèce à deux dimensions, c’est-à-dire une superficie. »

Que cette dernière formule soit hypothétique, c’est seulement en tant qu’elle ramène l’aperception de l’espace à une relation déterminée du système des sensations de mouvement avec le système des signes locaux de la rétine, nullement en tant qu’elle suppose qu’en soi l’extensif n’est pas encore contenu dans chacune des deux composantes auxquelles nous devons recourir et revenir pour expliquer les notions visuelles ; car, sitôt que nous admettons le dernier point, nous tombons aussitôt en contradiction avec l’expérience. Je ne puis donc pas accorder que cette hypothèse soit plutôt affectée d’un caractère spéculatif que toute autre supposition quelconque à laquelle on s’avise de recourir pour expliquer la liaison de certains phénomènes. Mais dès qu’on accorde que l’expérience fournit la preuve d’une influence simultanée de signes locaux fixes attachés à la rétine et de mouvements sur l’ordre extensif des impressions visuelles, l’hypothèse ci-dessus est, à ce qu’il me semble, la seule qui soit susceptible de rendre plus ou moins compte de ce résultat. « Les sensations, dit Lotze, ne peuvent pas crier à l’âme quel est leur lieu d’origine. » Peut-être aurait-on même droit à dire : « L’âme ne peut pas crier aux sensations quelle place elles doivent prendre