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grote. — classification nouvelle des sentiments

L’école anglaise expérimentale est certainement celle qui a encore fait le plus pour nous approcher de cette solution, et cependant ses doctrines sur la psychologie des sentiments, des émotions, des phénomènes affectifs, à entendre M. Ribot, ne semblent pas aussi précises ni aussi complètes que sur la question des sensations et des idées. L’étude de Bain lui-même, qui semble être à M. Ribot « la plus ample et la plus approfondie qui ait encore paru sur ce sujet, » est en même temps, selon lui, la partie faible de l’ouvrage de Bain[1]. Ceci était dit en 1870 et en 1875. Depuis il n’a paru que deux essais de classification qui méritent d’être nommés : c’est celui de Dumont (1878) et celui de Horwicz (1878), et tandis que le premier, comme nous l’avons dit déjà, n’est qu’une esquisse incomplète et superficielle, le second n’est que la répétition, avec des modifications plus ou moins grandes, des classifications subtiles et formelles des psychologues allemands de l’époque précédente, et c’est plutôt une description des moindres nuances dont les sentiments sont susceptibles dans leur transformation individuelle, qu’une synthèse d’après des lois rigoureuses et homogènes. Sans nier l’extrême finesse et la profondeur souvent étonnante de l’analyse que nous devons à Horwicz, nous croyons pouvoir dire, cependant, que le nouveau livre de cet auteur éminent, n’étant qu’une apparition analogue dans la littérature allemande à l’œuvre de Bain dans celle de l’Angleterre, ne peut suffire au besoin d’une classification vraiment scientifique des phénomènes affectifs. Il n’y a que Dumont qui ait essayé jusqu’à présent une synthèse de ce genre, mais les fautes qu’il a commises dans la première partie de son livre l’ont empêché d’appliquer ses idées d’une manière propre à satisfaire.

La cause principale de cette longue suite de recherches, pauvres en résultats définitifs, consiste en ce que les psychologues n’ont pas profité jusqu’à ce temps, dans leurs théories de la sensibilité, de cette idée simple et qui constitue à présent un axiome pour les spiritualistes eux-mêmes, que tout phénomène psychique, quelque idéal qu’il soit, doit être mis en rapport avec quelque fonction physiologique nerveuse de l’organisme. Reste à trouver seulement le principe d’un parallélisme pareil entre les émotions et les fonctions physiologiques. Aristote l’avait déjà indiqué en disant qu’il y a autant de plaisirs et partant de peines (car ce qu’il dit des premières se rapporte aussi bien aux secondes[2]) qu’il y a de sensations[3], car le

  1. Psychol. angl. contempor., p. 84-85.
  2. Arist. dit lui-même : τὰ μὲν οὖν λεγόμενα περὶ τῆς ἡδονῆς καὶ λύπης ἱκανῶς εἰρήσθω. Eth. à Nik, K. 2. 1174, a. 11
  3. Loc. cit., K. 4. 1174, b. 26 ; Καθ’ἑκάστην δ’αἴσθησιν ὅτι γίνεται ἡδονὴ δῆλον.