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Il est vrai que le tout et la partie, l’égal et l’inégal, le singulier et le pluriel, etc., sont nécessairement conçus comme corrélatifs ; il est vrai aussi que le concept négatif contient autre chose que la négation du positif ; ce qui est moins exact, c’est que ces deux considérations puissent nous conduire forcément à admettre l’existence de l’absolu.

Examinons une de ces antithèses, l’antithèse du tout et de la partie. La partie ne peut être conçue sans le tout, et le tout sans la partie. Mais le même objet peut être considéré tantôt comme tout, tantôt comme partie, selon la manière dont on l’envisage, selon les objets avec lesquels on le met en relation. Ainsi, un département est une partie de la France, et la France est une partie de l’Europe, qui est une partie de la terre, etc. La France, l’Europe, etc., sont donc considérées soit comme un tout, soit comme une partie, selon le point de vue auquel on se place. Et puisque nous ne pouvons concevoir de bornes ni à l’espace, ni au temps, ni à la divisibilité de la matière, et que d’un autre côté nous ne pouvons nous représenter l’infini, on peut dire que toute chose que nous pouvons concevoir est à la fois tout et partie, tout par rapport à ses subdivisions, partie par rapport à l’objet plus grand dont elle est une subdivision. Ainsi, la différence entre le tout et la partie est purement relative ; il en est de même de la différence entre l’inégal et l’égal (car aucune égalité parfaite n’est possible), entre l’homogène et l’hétérogène (car l’homogénéité parfaite ne nous est pas connue), etc.

Examinons à ce point de vue l’antithèse du relatif et de l’absolu, nous verrons qu’une conception même vague et illimitée de ce que les métaphysiciens appellent l’absolu est impossible ; l’antithèse du relatif et de l’absolu est purement relative, et il n’y a entre les deux termes de la corrélation qu’une différence de degré. L’absolu, c’est ce qui n’est pas en relation, mais est-ce ce qui n’est pas en relation avec une chose déterminée, ou bien est-ce ce qui n’est en relation avec rien du tout. Dans le langage ordinaire, c’est le premier de ces sens que l’on donne au mot absolu ; en métaphysique, on doit lui attribuer le second ; or le premier seul peut être accepté et compris, l’autre est totalement inconcevable.

Si l’on accepte le premier sens, la corrélation du relatif et de l’absolu s" explique bien, se comprend parfaitement et s’accorde bien avec ce que nous avons déjà trouvé : qu’il n’y a qu’une différence de degré entre les deux termes de l’antithèse. En effet, quand on parle par exemple de la valeur absolue d’une pièce d’or, on supprime par la pensée certaines des relations de cette pièce, on ne considère plus la valeur de convention, valeur relative, mais on tient compte de sa