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paulhan. — la théorie de l'inconnaissable

valeur intrinsèque en tant que pièce d’or, et il est évident que si l’on ne considère plus certaines relations, on tient compte cependant de certaines autres. Ainsi la valeur absolue d’une pièce d’or est relative à son poids et au prix actuel de l’or. De même, quand on parle de l’honnêteté absolue d’un homme, on entend par ce mot que quelles que soient les tentations auxquelles on expose cet homme, il restera toujours honnête, et on l’oppose ainsi aux gens à honnêteté relative, c’est-à-dire aux gens dont l’honnêteté peut varier avec les conditions d’existence, et par conséquent est relative à ces conditions. Peut-on dire cependant que toute relation soit supprimée quand on parle d’une honnêteté absolue ? Non, car l’honnêteté, n’étant que l’expression abstraite d’un rapport réel ou possible entre diverses personnes, ne peut évidemment exister sans relation. L’honnêteté ne peut exister chez un homme que par ses relations réelles ou idéales avec quelqu’un ; l’honnêteté est donc forcément relative. L’honnêteté parfaite est donc absolue à un point de vue, relative à un autre point de vue.

Nous voyons donc que, de même qu’une chose est à la fois tout et partie, la même chose est à la fois relative et absolue, et, de même que nous ne pouvons rien concevoir qui ne soit à la fois tout et partie, de même nous ne pouvons rien concevoir qui ne soit à la fois relatif et absolu.

Quand nous pensons à une chose quelconque, nous pouvons la penser avec certaines des relations qu’elle a avec d’autres choses ; nous pouvons la concevoir également en supprimant par la pensée quelques-unes de ces relations. La seconde conception est absolue par rapport à la première ; mais, à un autre point de vue, elle peut être dite relative, car le fait seul de concevoir implique relation. Tout ce que nous pouvons imaginer est dans le même cas.

Nous sommes donc conduits à dire que l’absolu n’est que ce que nous concevons en l’absence de certaines relations, ce qui revient à dire que la différence entre le relatif et l’absolu n’est qu’une question de degré, l’absolu n’étant qu’un moins relatif et n’étant absolu que par rapport à un plus relatif.

Que devient alors l’absolu métaphysique, le seul véritable absolu en somme ? C’est, pour employer une expression de M. Spencer, une conception de l’ordre illégitime, à laquelle il faut substituer une conception positive. La définition de l’absolu que je viens d’indiquer s’applique à toutes les choses auxquelles on a attribué la qualité d’être absolues.

Ainsi, on a voulu voir l’absolu dans le bien. À l’argument des sceptiques montrant les variations de la morale sous l’influence du