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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/290

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climat, du milieu, de l’époque, du degré de civilisation, on a répondu que certaines lois étant observées partout, que l’idée du bien se trouvant chez tous les hommes, le bien était absolu. Les anthropologistes ne sont pas d’accord sur ces points ; mais, en les prenant pour accordés, ils ne prouvent nullement que le bien tel que nous pouvons le connaître soit absolu. Si quelques préceptes de la morale sont observés dans toutes les sociétés ou chez la plupart d’entre elles, c’est que ces préceptes, pour être adoptés, réclament moins de conditions que les autres. Chaque précepte de morale étant le produit fatal des circonstances, des circonstances relativement moins complexes suffiront à faire naître les préceptes que l’on trouve chez la plupart des sociétés, tandis que d’autres préceptes ne peuvent apparaître qu’à la suite d’une évolution plus ou moins longue des sociétés et à la faveur d’une plus grande complexité de phénomènes sociaux. Les premiers, dépendant de moins de circonstances que les autres, sont dits absolus. Ce qui prouve qu’ils ne le sont pas, c’est qu’ils dépendent cependant de certaines conditions ; ainsi, sûrement les préceptes de la morale ne se rencontrent pas chez les animaux, chez tous les animaux au moins, parce que là les circonstances qui amènent leur apparition ne se sont pas produites. Ainsi, certains aliénés méconnaissent toute morale, parce que chez eux les conditions de la moralité sont détruites. Le bien n’est pas absolu, il est déterminé par les circonstances ; s’il paraît absolu, c’est que l’homme civilisé étant un ensemble de circonstances, cela suffit pour déterminer aussitôt en partie ce qu’est le bien par rapport à l’homme. Ce qu’il y a de général dans le bien est déterminé par la constitution générale et les conditions d’existence permanentes de l’homme ; ce qu’il y a de variable et de changeant est déterminé par la constitution particulière et les conditions d’existence particulières de certains individus ou groupes d’individus. Dans aucun cas, nous n’arrivons à l’absolu ; seulement certains préceptes, certaines formes du bien dépendant de moins de circonstances que les autres et dépendant de circonstances présentées à peu près par tous les hommes, peuvent être considérés comme moins relatifs, ce qui les a fait passer pour absolus.

D’ailleurs, comme nous ne pouvons connaître le bien que par notre conscience et que notre conscience, comme l’a montré sir W. Hamilton, n’est possible que sous forme de relation, nous ne pouvons connaître le bien que relativement.

Ainsi, l’analyse de l’antithèse du relatif et de l’absolu ne nous a conduits qu’à un absolu relatif. A priori, nous voyons qu’il devait en être ainsi. En effet, si le relatif ne peut être conçu que par relation avec l’absolu, il est évidemment aussi vrai que l’absolu ne peut