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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/293

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paulhan. — la théorie de l'inconnaissable

ses appréciations sur la concevabilité ou l’inconcevabilité des choses pour ne nous faire attribuer à ces notions qu’une valeur relative et subjective.

D’ailleurs est-il possible de supprimer toutes les limites dans un concept ? Cela paraît douteux. La conscience n’est possible que par relation, c’est un fait établi, et une relation suppose une limite. Seulement, dans le cas de la conception de l’espace, etc., on sait que la limite établie forcément par suite de l’impuissance de la conscience à embrasser l’infini n’est qu’une limite qui peut disparaître et ne saurait subsister. Remarquons du reste que le temps et l’espace n’étant que des abstractions des impressions de séquence et de coexistence, dire que le temps et l’espace sont infinis, c’est dire qu’il y a un nombre infini d’objets en relation de séquence et de coexistence. Or il est évident que nous pouvons bien nous représenter un nombre d’objets plus ou moins grand, mais non un nombre infini. Le nombre représenté est toujours fini et le concept positif de l’infini consiste en une représentation vague, un nombre fini d’objets finis, d’une étendue finie, accompagnée de l’idée que de nouveaux objets d’une nouvelle étendue peuvent être ajoutés aux premiers sans qu’on puisse concevoir un terme à cette opération. L’antithèse du fini et de l’infini est ainsi rapprochée encore plus des antithèses du premier genre.

« L’impulsion de la pensée nous porte inévitablement par delà l’existence conditionnée à l’existence inconditionnée, et celle-ci demeure toujours en nous comme le corps d’une pensée à laquelle nous ne pouvons donner de forme. »

L’impulsion de la pensée peut bien nous porter de l’existence conditionnée à l’existence moins conditionnée, mais non à l’existence inconditionnée, puisque, quelque vague que soit une conception, il faut qu’elle soit conçue, pensée, c’est-à-dire conditionnée.

« De là, continue M. Spencer, notre ferme croyance à la réalité objective, croyance que la critique métaphysique ne peut ébranler un seul moment. On peut venir nous dire que ce morceau de matière que nous regardons comme existant en dehors de nous ne peut nous être réellement connu, que nous pouvons seulement connaître les impressions qu’il produit sur nous, mais nous sommes forcés, par la relativité de la pensée, de penser que ces impressions sont en relation avec une cause positive, et alors apparaît une notion rudimentaire d’une existence réelle qui les produit. Si l’on prouve que toute notion d’une existence réelle implique une contradiction radicale ; que la matière, de quelque façon que nous la concevions, ne peut être la matière telle qu’elle est effectivement,