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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/322

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l’effort aventureux du monisme spiritualiste ancien et moderne. On imagine avec Empédocle, G. Bruno, Zöllner, que le moindre atome de matière est lié à quelque représentation intérieure, à un état psychique. « Si, grâce à des organes sensoriels plus délicats, nous étions à même de saisir les mouvements moléculaires ordonnés par groupes d’un cristal, chaque fois que ce cristal est fortement entamé dans l’une de ses parties, nous tiendrions, selon toute apparence, pour insuffisamment établi et en tout cas très hypothétique, cet avis que les mouvements provoqués à l’intérieur de ce système ont lieu en dehors de toute excitation sensationnelle concomitante (Zöllner). »

Cette hypothèse si attrayante n’est cependant à aucun degré une conséquence inévitable de la doctrine évolutionniste. Il y a en effet une autre solution de ce problème, celle qu’ont proposée dans ces derniers temps MM. Thomson et Helmholtz. À la même époque, ces deux savants ont émis cette conjecture que la vie a pu être primitivement apportée sur notre terre par d’innombrables pierres météoriques perdues dans l’espace, et dont les fissures se trouvaient remplies de semences animées ravies aux autres mondes. La vie serait alors incréée, éternelle comme le monde.

C’est ici qu’éclate la nécessité de recourir à la théorie de l’évolution. Supprimez en effet l’influence exercée par l’évolution organique des êtres, il vous sera impossible, même dans l’hypothèse précédente, de comprendre comment ces traces rudimentaires de conscience ont pu produire un si riche épanouissement de vie intellectuelle. Sur le fond de la question, M. Gizycki conclut que, la théorie de l’évolution ne décidant en faveur d’aucune doctrine, il est plus sage d’admettre comme un fait la distinction du monde physique et du monde moral, tout en concevant que ces deux sphères de phénomènes. Nature et Esprit, régies par des lois cosmiques universelles, appartiennent à un seul et même système. « Ce dualisme existe en fait dans l’univers » (p. 19).

Du moins, si l’hypothèse transformiste ne tranche point la question des origines de la vie, elle a le mérite de montrer l’unité de lois et la continuité de développement du monde organisé. Elle nous a dévoilé l’état primitif de sauvagerie par lequel a débuté l’humanité ; elle a provoqué l’attention des savants sur les mystères de la vie psychique des animaux ; enfin elle a établi d’une manière irréfutable l’unité des lois internes qui gouvernent l’évolution des vivants, du zoophyte à l’homme.

II. Théorie de la connaissance, — L’évolutionnisme est aujourd’hui l’arbitre suprême en pareille matière : seul il explique les diverses théories de la connaissance, en les conciliant.

Le criticisme kantien avait eu le mérite de placer hors des atteintes du sensualisme et de l’empirisme vulgaires les lois fondamentales de notre pensée : lois directrices de notre intelligence, antérieures à tout mode individuel de représentation ou de conception, véritables catégories de tout entendement semblable au nôtre, lois innées enfin, si l’on entend par là qu’elles sont les conditions de l’expérience en général.