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nateurs, rotateurs en dedans, rotateurs en dehors, ensemble et tour à tour, chacun à son rang et à son moment dans la série totale des contractions successives. Pour préciser les idées, désignons les muscles du membre par des numéros, et supposons que, pour exécuter le mouvement, les suivants se soient contractés dans l’ordre suivant : 1, 3, 6, 7, 8, 11, 12, 14, 12, 14, 15. Pour que chacun de ces muscles ait pu jouer séparément, il faut non-seulement qu’il soit muni d’un nerf moteur distinct, mais encore que ce nerf moteur soit animé par une cellule distincte. Pour que les divers nerfs moteurs aient joué dans l’ordre indiqué, il faut que leurs cellules respectives aient joué dans le même ordre. Pour qu’elles puissent jouer dans cet ordre, il faut que, par des filets nerveux, elles communiquent entre elles dans l’ordre indiqué. Pour qu’elles aient joué dans cet ordre, il faut qu’un courant nerveux les ait traversées dans l’ordre indiqué. Grâce à ce mécanisme ou à un mécanisme équivalent, l’irritation transmise par un seul nerf afférent à la première cellule a suffi pour provoquer la série indiquée de contractions musculaires, et, par suite, le mouvement compliqué et approprié de tout le membre postérieur ou antérieur.

Presque toutes les fonctions du corps vivant supposent un mécanisme analogue ; car toutes comprennent parmi leurs éléments une action réflexe, et dans presque toutes l’action réflexe aboutit, non pas à la contraction isolée d’un seul muscle, mais à la contraction successive de plusieurs muscles dans un ordre déterminé. Plus de trente paires de muscles doivent agir dans un certain ordre pour que l’enfant puisse téter, et l’on a vu un nouveau-né dont Boyer avait brisé et vidé le crâne, non-seulement crier, mais téter le doigt introduit entre ses lèvres. Chacun de ces mécanismes est situé dans un amas de substance grise, c’est-à-dire dans un groupe de cellules reliées entre elles par des fibres nerveuses. On connaît son siège, les nerfs afférents qui le mettent en branle, les nerfs efférents auxquels il imprime le branle ; c’est une serinette dans laquelle on peut désigner la boîte, le manche et l’air exécuté, mais rien de plus. Ce qui se passe dans la boîte échappe à notre observation et n’est atteint que par nos conjectures. Beaucoup de ces serinettes ne jouent qu’un seul air, et, à l’état normal, leur manche ne donne qu’une seule impulsion, toujours la même. Ainsi le contact de l’air et des vésicules pulmonaires provoque nécessairement, par une action réflexe du bulbe, un système alternatif et toujours le même de contractions musculaires ; ce sont les deux temps du mouvement respiratoire. Aussi, par une autre action réflexe du bulbe, le contact d’un aliment, et, en général, d’un corps quelconque avec les parois