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de l’orteil, il est clair que A — B mesure exactement la vitesse du courant nerveux sensitif dans un mètre de nerf.

Cependant il m’a été impossible d’arriver à un résultat satisfaisant, attendu que, malgré toutes les précautions prises, malgré des efforts répétés pour acquérir dans la réponse à l’excitation un degré de précision suffisante, la valeur A — B était toujours beaucoup plus petite que les variations de A ou de B. A la rigueur, j’aurais pu prendre une moyenne ; mais cette moyenne eût été bien inexacte, et c’est une méthode bien peu scientifique que d’adopter des résultats numériques si faibles, avec des variations si étendues.

D’ailleurs on pourra se rendre compte des inégalités extrêmes de la réaction personnelle en étudiant le tracé reproduit dans le livre de M. Marey (la Méthode graphique, p. 151, figure, 69). Il s’agit d’expériences que je faisais alors avec M. Bloch et dans lesquelles nous excitions tantôt l’épaule, tantôt la main. — Les variations de la réponse sont telles qu’on ne saurait dire si l’on répond plus tôt quand l’épaule ou la main sont excitées. Il semble même que l’excitation électrique de la main soit plus vite perçue que l’excitation électrique de l’épaule. Il y a, en éliminant même les premières et les dernières réponses, et en ne tenant compte que des réponses du milieu de l’expérience, un écart de plus de trois centièmes de seconde.

Toutefois il est fort possible que d’autres expérimentateurs arrivent à une précision plus grande que Bloch et moi. Aussi, tout en faisant mes réserves, serais-je assez porté à admettre les expériences de MM. Kries et Auerbach, à la condition qu’on ne tiendra compte que des dixièmes et centièmes de seconde, ce qui est déjà beaucoup.

MM. Kries et Auerbach ont fait une autre expérience qui consiste à prendre des excitations de même nature, mais tantôt fortes, tantôt faibles. Ils ont constaté que la durée de la réponse ne variait que peu, de 1 centième de seconde environ. Le fait est intéressant, car il permet d’établir une grande différence entre des excitations uniques et des excitations multiples.

Les excitations uniques, fortes ou faibles, sont perçues avec la même rapidité, tandis que les excitations multiples, par suite de leur accumulation dans les centres nerveux, sont perçues avec un retard d’une demi-seconde et même d’une seconde lorsqu’elles sont très-faibles[1].

Dr Charles Richet.

  1. Voy. Revue philosophique, nov. 1877, p. 472.