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dastre. — le problème physiologique de la vie

choses du plus loin et interroger l’histoire de la science depuis ses origines mêmes. Un examen approfondi nous apprendra que les systèmes biologiques qui ont successivement dominé ne sont, en définitive, que les diverses manières de répondre à deux questions fondamentales : Les phénomènes vitaux sont-ils essentiellement différents de tous les autres phénomènes de l’ordre naturel ? Les phénomènes vitaux sont-ils essentiellement distincts des phénomènes psychiques ?

Voilà le point de départ de toutes les controverses. Chaque question, comportant deux solutions contraires, a par cela même partagé les médecins philosophes en deux camps opposés, spiritualiste contre matérialistes d’une part, animistes contre vitalistes de l’autre.

Nous ne saurions nier l’importance considérable de tels problèmes au point de vue philosophique. Mais la physiologie a-t-elle un intérêt véritable dans ces querelles ? le savant militant a-t-il qualité pour y intervenir, avantage et profit à retirer de son intervention ? Claude Bernard nous dit : Non ; M. Chauffard nous dit : Oui ; et, joignant l’exemple au précepte, il prend le parti du spiritualisme ; il guerroie sous la bannière de l’animisme, pour le plus grand profit de la science médicale.

Il y a pour les philosophes différentes manières d’être spiritualiste, différentes manières d’être matérialiste ; mais il n’y a qu’une seule manière pour le physiologiste. Croit-on que le fait vital est essentiellement spécifique, irréductible aux faits de la nature physique ou inanimée, on est spiritualiste ; croit-on au contraire que les phénomènes vitaux peuvent être ramenés à tous les autres phénomènes de l’ordre naturel, on est matérialiste, et cela indépendamment des idées plus ou moins différentes que dans l’une ou l’autre école l’on peut se former de la vie, de sa nature ou de ses origines. Ce sont là des idées relativement accessoires, des questions de second ordre, des germes de discorde qui entraîneront ultérieurement la scission des deux grandes écoles en sectes particulières, le matérialisme se divisant en mécanicisme, organicisme, transformisme, et le spiritualisme en animisme et vitalisme.


La question fondamentale est de savoir si le fait vital doit être distingué de l’immense multitude des autres faits naturels ou confondu avec ceux-ci. Toute autre question peut être écartée momentanément. Celle-ci est bien, historiquement et logiquement, la première qui réclame une solution. L’histoire philosophique nous apprend que déjà, quatre siècles avant notre ère, elle s’était imposée aux méditations des pythagoriciens et des philosophes d’Ionie. Encore aujour-