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ration absolue des phénomènes physiologiques d’avec tous les autres ; la seconde consiste à considérer ces phénomènes vitaux comme les effets immédiats d’une cause spéciale sans analogues en dehors du corps vivant. Les origines du vitalisme sont fort anciennes ; il serait possible d’en trouver les premiers délinéaments dans les enseignements de Pythagore et de son école : on pourrait en suivre le développement dans la philosophie scolastique : mais, en tant que doctrine constituée, il reçut sa formule du médecin Barthez au siècle dernier, et il dut à Bordeu la faveur avec laquelle il fut universellement accueilli. Le nom de double dynamisme, sous lequel les successeurs de Barthez ont développé la conception de leur maître, est plus compréhensif que celui de vitalisme : il exprime mieux l’idée fondamentale qui l’inspire, à savoir que l’être humain obéit à deux principes : l’âme ou sens intime, qui préside à la pensée, à la conscience et à la volonté, et le principe vital, qui gouverne les phénomènes vitaux proprement dits.

M. Chauffard proteste contre un tel morcellement de la personnalité humaine, et par là il se range sous la bannière des animistes. Contre la dualité vitale, il invoque à la fois le témoignage du sens intime et celui de la tradition, ce dernier surtout, si imposant dans un procès dont les instruments n’ont pas changé depuis que l’esprit humain s’interroge. Les témoignages rendus en faveur de l’animisme par les penseurs de tous les âges, depuis Platon, le premier et le plus grand de tous, jusqu’à Stahl et jusqu’aux écrivains modernes, ont été soigneusement recueillis par MM. Tissot et Bouillier. M. Bouillier a employé une rare sagacité à découvrir et à restituer la véritable pensée platonicienne : il a voulu enlever à ses adversaires vitalistes le ferme appui qu’ils prétendaient trouver dans l’adhésion du célèbre philosophe. Toutefois il est permis de croire que les équivoques et les ambiguïtés de Platon traduisent une véritable indifférence à l’égard de ce point de doctrine. Jaloux de pénétrer les suprêmes mystères, l’essence et le principe dernier des choses, le philosophe athénien a trop dédaigné les réalités phénoménales pour prêter attention aux phénomènes de la vitalité. Laissons donc l’autorité de Platon ; laissons même l’argument emprunté à l’autorité de la tradition ; aussi bien la tradition est-elle loin d’être unanime, et il n’y aurait nulle convenance à compter ou même à peser des suffrages dans une querelle que le scrutin n’a pas la vertu de résoudre.

Il est un autre ordre d’arguments que nous voudrions également écarter de notre route. Cette doctrine animiste de l’unité, de l’indivisibilité humaine, qui est le secret ressort de toute son œuvre, M. Chauffard la soutient, la défend non-seulement en philosophe,