Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/462

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
452
revue philosophique

qu’on ne saurait la reconnaître dans l’ordre vital, puisqu’elle n’y conserve pas ces attributs essentiels, la plupart des phénomènes corporels étant automatiques, involontaires et inconscients.

MM. Bouillier et Tissot croient échapper à cette réfutation en reconnaissant à l’âme deux modes d’action, l’un qui s’exerce sur les actes physiologiques, l’autre sur les phénomènes de la pensée. Mais n’est-ce pas briser l’unité du principe vivifiant et pensant que d’en distinguer complètement les modes ? Comment reconnaître l’âme proprement dite dans cette moitié du principe animateur qui se manifeste exclusivement par le mode vital ? N’est-il pas clair, en effet, que si le principe est caractérisé (et l’âme l'est précisément par la conscience, la réflexion et la volonté), on doit le retrouver avec ses caractères dans tous les actes qu’on lui attribue. Créer des modalités, c’est créer des principes subalternes, des feudataires indépendants, nominalement soumis à un principe plus général, que l’on continue à nommer âme, mais qu’on ne saurait plus définir que comme une sorte de roi-soliveau qui ne règne ni ne gouverne et n’existe qu’à l’état de simple nom, de son creux, flatus vocis. — Le reproche tombe également sur M. Chauffard, qui se rallie chemin faisant à la doctrine de M. Bouillier. « Pourquoi, dit-il, l’âme n’agirait-elle pas avec conscience, réflexion et volonté dans les fonctions intellectuelles, et par des impressions sans conscience, par des déterminations instinctives, et suivant des lois primordiales, dans l’exercice des fonctions organiques ? » Parce que, répondrons-nous, si elle agissait ainsi, elle ne serait plus l’âme que vous connaissez ; ce serait une âme nouvelle, une âme somatique, quelque chose d’analogue à l’âme rachidienne, qui, selon M. Pflüger, préside aux mouvements réflexes.

Mais il est juste de dire que ce n’est là qu’un assentiment de pure forme, et, après avoir rendu cet hommage courtois à un allié naturel, M. Chauffard s’en sépare décidément. Il va toucher d’une main plus hardie aux anciennes idoles, et nous ne les reconnaîtrons plus sous les traits nouveaux qu’il leur donnera. Jusqu’à présent, nous n’avons fait qu’assister à une sorte d’évocation des luttes rétrospectives ; nous avons revu le tournoi de l’animisme et du vitalisme combattu avec les armes couvertes de la rouille des temps. La véritable tâche de M. Chauffard commence maintenant. Il faut voir comment le savant médecin va préciser et compléter sa conception de l’activité vitale. Nous trouverons dans cette seconde partie de son œuvre la pierre de touche qui nous permettra d’estimer l’œuvre tout entière.

Le débat s’élève. Il ne s’agit plus de savoir s’il y a deux principes recteurs ou s’il n’y en a qu’un seul ; il faut comprendre ce que peut