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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/475

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compayré. — psychologie de l'enfant

pas quand elle est arrivée au terme et au maximum de son évolution que la conscience peut se flatter de redescendre jusqu’aux couches et aux assises inférieures de sa vie morale. C’est seulement par le dehors, et en saisissant les premières lueurs de la sensibilité et de l’intelligence, au moment même où elles se produisent, où elles se révèlent par des cris, des signes, des mouvements et des gestes, que le psychologue parvient à se rendre compte du travail latent qui peu à peu du petit animal fait un petit homme.

Quant à l’intérêt de ces études, il est manifeste. Il suffirait d’être père pour en avoir le goût et y apporter une attention passionnée. Je ne parle pas seulement du charme que la curiosité peut trouver à voir grandir ce que le poète appelle « une frêle espérance d’âme ». Mais qui ne comprend le profit que la pédagogie peut attendre du résultat de ces recherches ? S’il est vrai de dire avec Bacon qu’on ne triomphe de la nature physique qu’à condition de la connaître et de lui obéir, combien l’axiome fameux Natura non nisi parendo vincitur, est plus exact encore et plus essentiel quand il s’agit de la nature morale ! Il y a longtemps qu’on répète qu’il faut donner pour base à l’éducation une psychologie de l’enfant. Mais le plus souvent cette psychologie se bornait à jeter un coup d’œil rapide sur les qualités et les défauts de l’enfance, afin de prendre parti dans l’éternel débat de la perversité ou de la droiture originelle de nos inclinations ; on ne savait pas entrer dans le détail ; on négligeait les observations minutieuses. Et cependant ce sont les détails et les minuties qui importent. Quelle influence sont appelées à exercer sur les méthodes pédagogiques des observations comme celles qui établissent, par exemple, qu’au bout de cinq à six minutes chez les enfants jeunes, et de trente à quarante-cinq minutes chez les grands écoliers, l’attention se fatigue et se dérobe ; que dans les écoles la puissance attentive varie avec les saisons de l’année, les heures du jour, les jours de la semaine, avec l’intervalle qui sépare le travail et les repas ! Et ce n’est pas seulement l’enfant de cinq ou de dix ans que le pédagogue a besoin de connaître : c’est chez le nourrisson aussi qu’il lui faut saisir les vagues tressaillements de l’âme qui naît. L’éducation n’est au fond que l’art réfléchi intervenant à son heure dans les instincts naturels pour les gouverner et les conduire à leur fin. Comment réussir dans cette tâche, si l’on ne connaît pas les besoins de l’enfant pour les satisfaire, ses aptitudes pour les exciter, les limites de ses forces pour s’y conformer, en un mot si l’on n’a pas pris sur le vif les premières démarches de la nature, afin de calquer ou de modeler sur elles les méthodes artificielles de la pédagogie ? Cette connaissance psychologique de