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LES

NOUVELLES PHILOSOPHIES

EN ALLEMAGNE


HARTMANN, DÜHRING ET LANGE

Nous assistons, depuis quelque temps, au réveil de la spéculation philosophique en Allemagne. Dans la mêlée confuse des écoles, trois doctrines surtout sont l’objet de l’attention et de la faveur publiques. Trois noms, presque ignorés il y a une douzaine d’années, ont paru soudain obscurcir de leur éclat les vieilles renommées. Ce n’est pas que les nouveaux philosophes l’emportent, également et d’une manière incontestable, sur leurs devanciers par l’érudition, l’originalité de la pensée ou le talent du style. L’œuvre du vénérable Lotze, par exemple, soutient sans désavantage la comparaison avec les productions de ses jeunes rivaux de gloire. Mais aucune doctrine, aucun livre ne répondent mieux que ceux de Hartmann, de Dühring et de Lange aux besoins nouveaux des intelligences.

Le mécanisme avec le principe de la conservation de l’énergie, et celui de l’équivalence et de la transformation des forces ; l’évolution appliquée à tout le règne des êtres vivants, à la société humaine comme aux organismes naturels ; enfin la vie étendue indéfiniment et associée volontiers au sentiment et à la conscience, sous les formes obscures ou distinctes de l’activité végétative et de l’animalité : toutes ces conquêtes ou ces hypothèses de l’expérience et du raisonnement, en renouvelant la science, ont dû modifier aussi les conceptions philosophiques.

À cette révolution des idées correspond celle des besoins moraux. La religion n’est plus maîtresse incontestée des intelligences. Les travaux de la critique ont ébranlé l’autorité des vieux dogmes : ils n’ont pas déraciné le sentiment religieux. Le mystère de la destinée humaine continue de préoccuper, de tourmenter bien des