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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/532

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piété, M. Guyau termine cette première partie de son ouvrage en faisant ressortir les analogies de l’épicurisme avec le positivisme moderne. Comme A. Comte, Épicure a réagi contre les spéculations à priori, contre la considération des causes finales, et il a substitué la méthode expérimentale aux tendances métaphysiques. Tous deux se sont efforcés de limiter les recherches de la science, l’un au nom du bonheur humain, l’autre au nom de l’impuissance humaine. Bien que cette appréciation un peu brève et qui se tait sur la comparaison des deux morales, nous semble vraie dans sa généralité, nous ne l’accepterions pas sans quelques réserves. Ainsi nous ne sommes pas parfaitement convaincus qu’Épicure ait mieux connu que ses contemporains la méthode expérimentale et moins usé et abusé des affirmations et des constructions à priori. Il ne nous paraît pas démontré non plus que les rapports de finalité, quelque difficile qu’en soit la détermination exacte et de quelque façon qu’on en explique l’existence, ne soient pas un objet de recherche légitime et nécessaire dans les sciences biologiques, morales et sociales. Nous avouons même ne pas concevoir comment un monde pourrait former un tout si les parties qui le composent n’étaient pas nécessairement adaptées entre elles, et nous croyons qu’il est chimérique de supposer qu’elles ne l’étaient pas tout d’abord, mais qu’elles ont fini par le devenir. Enfin l’esprit de l’épicurisme nous semblerait peut-être moins favorable aux progrès de la science que M. Guyau ne le laisse entendre. Le maître n’était-il pas indifférent à toutes les explications particulières, les seules qui puissent être scientifiquement positives, et n’avait-il pas réduit la physique, c’est-à-dire l’explication générale de la nature, à une sorte de catéchisme sommaire et immuable que ses disciples devaient apprendre par cœur et se transmettre de siècle en siècle ? A. Comte devait d’ailleurs l’imiter sur ce point : lui aussi a tenté de transformer la philosophie, telle qu’il l’avait organisée, en Credo, et d’établir dans les sciences mêmes une sorte d’orthodoxie.

E. Boirac.




A. Bougot. Essai sur la critique d’art. Paris, Hachette et Cie.

Si la critique historique a réussi de nos jours à prendre une place définitive parmi les genres scientifiques, il s’en faut que la critique littéraire, et surtout la critique d’art, aient conquis le même droit de cité. M. A. Bougot, dans son livre, fait de louables efforts pour tirer ce dernier genre de l’état embryonnaire où il a végété jusqu’ici. Il se propose de définir la critique d’art avec précision, d’en circonscrire nettement le domaine, en la distinguant de la critique littéraire, de l’esthétique, de la technique et de l’histoire de l’art ; puis d’en formuler les principes, les règles, la méthode, et de décrire les qualités nécessaires pour en appliquer sûrement les procédés. Toute cette partie, purement théorique, est complétée par une partie historique, où l’auteur fait le