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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/538

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l’infini, ne laisse pas à l’esprit l’impression d’unité et de simplicité, marque des œuvres définitives. »

Pour juste qu’elle soit, cette appréciation ne laisse pas que d’être peut-être formulée un peu sévèrement. À notre sens, les travaux de Morgan sont précisément la mine à exploiter maintenant. La fécondité de son esprit et la valeur de ses aperçus promettent de dédommager amplement le chercheur qui ne sera pas effrayé par le dédale du système. Pour nous au moins, la théorie des noms contraires, qui conduit à effacer théoriquement toute différence entre les propositions affirmatives et les propositions négatives, a autant d’importance, comme opposition aux thèses d*Aristote, que la quantification du prédicat, et elle nous paraît bien mieux fondée. Morgan a vu bien clairement, le premier peut-être, que les progrès futurs de la logique déductive dépendent d’une bonne théorie de la copule, qui a des formes si nombreuses et des significations si diverses. En reconnaissant les propriétés générales de convertibilité et de transitivité, il a au moins établi les principales lignes de cette théorie.

Ses distinctions entre les propositions simples et les complexes, entre les formes exemplaires et cumulaires, sont de même des résultats d’une analyse profonde, qui méritent de rester acquis à la science, sous un mode d’exposition plus favorable que le sien.

Mais nous ne pouvons nous étendre sur ce sujet, qui demanderait un livre, — celui que sans doute M. Liard nous fera bientôt ; — abandonnons donc l’école déductive pour celle de l’induction à laquelle sont consacrés les deux premiers chapitres des Logiciens anglais.

L’esquisse des travaux de cette école, d’ailleurs beaucoup plus connue en France que l’autre (en exceptant Hamiiton), fait ressortir nettement les théories de préparation et de transition, ainsi que le lien qui les rattache au Novum Organum.

Herschel, dans un Discours préliminaire sur l’étude de la philosophie naturelle (traduit en français dès 1834), Whewell, dans ses divers ouvrages parus de 1837 à 1860, reprennent l’œuvre de Bacon. Si, chez le second, l’influence de la pensée kantienne est manifeste, et si la théorie proposée pour l’induction repose sur une théorie de la science en général, le but principal est toujours la classification et la description des méthodes particulières d’invention scientifique (méthodes des courbes, des moyennes, des moindres carrés, des résidus, de gradation, de classification naturelle), tâche intéressante pour le penseur, mais toujours inachevée ; chaque siècle peut l’essayer à son tour, les intuitions du génie dépasseront toujours les limites qu’on aura cru reconnaître ; c’est que chaque science se fait sa méthode propre à elle-même, qu’elle la développe et la transforme au fur et à mesure de ses progrès.

Par exemple, la méthode des moindres carrés a été inventée il y a moins d’un siècle pour la discussion des observations astronomiques ; hors de là elle n’a guère eu jusqu’à présent que des applications plus