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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/546

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Gioberti lui-même avait d’ailleurs, avant de mourir, modifié ses doctrines dans le sens des nouvelles tendances de la pensée italienne. Son livre de la Rénovation politique de l’Italie est un appel non plus à un pontife libéral, mais à un roi patriote, pour l’accomplissement des destinées nationales. Les écrits philosophiques publiés après sa mort ont un caractère plus laïque et plus libre que sa première philosophie ; ils ont préparé la voie à l’hégélianisme italien de MM. Spaventa et Vera. Toutefois, cette nouvelle philosophie de Gioberti était déjà dépassée lorsqu’elle vit le jour. Ce n’est pas par ses écrits posthumes, c’est par ses premiers travaux qu’il tient une place considérable dans l’histoire de la philosophie contemporaine.

Il est toujours intéressant de suivre chez ses disciples une doctrine qui a exercé une grande influence sur les esprits. Tel est l’intérêt qu’offrent pour nous les Principes de philosophie première de M. di Giovanni. Ils nous donnent la doctrine de Gioberti, accommodée aux exigences d’un cours suivi de philosophie, avec un ordre plus méthodique, des développements mieux proportionnés, quelques théories originales sur les questions que le maître n’avait pas traitées, et une polémique nécessairement renouvelée par les discussions nouvelles qui ont agité le monde philosophique depuis trente ans.

Pour donner une idée de cette doctrine, nous ne saurions mieux faire que d’en emprunter l’analyse à l’élégant et consciencieux ouvrage de M. Louis Ferri, ancien élève de notre École normale, aujourd’hui professeur à l’Université de Rome, sur l’Histoire de la philosophie en Italie au XIXe siècle :

« M. di Giovanni, aujourd’hui professeur au lycée de Palerme, est un partisan déclaré des idées de Gioberti. Actif, érudit, libéral, il représente honorablement cette partie éclairée du clergé sicilien que ce philosophe a gagnée au patriotisme et au progrès. Dans ses discours déjà nombreux, il n’a cessé de les soutenir en les unissant aux sentiments d’une orthodoxie invariable, et ses Principes de philosophie première en sont une nouvelle preuve. Il suffit de les parcourir pour s’apercevoir qu’ils sortent de l’école de Gioberti : leur marche synthétique descend de l’ontologie et de la théologie rationnelle à la cosmologie et à la psychologie, pour arriver à l’éthique et à la téléologie universelle, c’est-à-dire qu’elle va du principe des choses au monde et à l’homme et s’élève de nouveau à Dieu, considéré comme fin et type idéal de la science, de l’art et de la vertu. C’est l’application de la double formule de Gioberti : l’Être crée les existences, et les existences retournent a l’être. Le retour perpétuel et indéfini du monde vers l’idéalité divine est pour M. di Giovanni comme pour Gioberti, le fondement du progrès cosmique, condition générale de tout autre pro grès. Comme son maître, le professeur de Palerme est idéaliste objectif et ontologiste ; il admet l’intuition de l’absolu et modifie légèrement la formule idéale du philosophe de Turin en substituant à la création des existences leur position par l’absolu. La formule est que l'absolu pose