Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/549

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES



Emile Beaussire. La Liberté dans l’ordre intellectuel et moral. — études de droit naturel. 2e édition, Paris, Didier, 1878.

M. Beaussire vient de donner la seconde édition d’un ouvrage qui, au moment de son apparition en 1866, avait été accueilli par les appréciations les plus bienveillantes de la critique et que l’Académie française avait couronné. Le livre se compose de quatre chapitres formant quatre études assez distinctes, sur la liberté d’enseignement, la liberté de conscience, la liberté de la presse et la liberté d’association. Une importante préface retrace à grands traits l’histoire des conquêtes successives de la liberté dans l’ordre intellectuel et moral ; l’auteur marque à ce point de vue la supériorité décisive des sociétés modernes sur celles de l’antiquité, et parmi les causes qui ont préparé ce triomphe, encore incomplet, dans nos démocraties même les plus avancées, il signale l’influence de l’esprit chrétien et celle de la science économique.

M. Beaussire admet à peu près sans réserve le principe de la liberté dans ce qu’il appelle le domaine de l’âme et de ses manifestations directes. Il repousse toute contrainte, toute ingérence même de la part de l’État, qui ne doit connaître que des actes matériels, en tant qu’ils peuvent léser le droit d’autrui. Quant à l’expression des doctrines scientifiques, religieuses, politiques ou morales, pourvu qu’elle ne fasse pas appel à la rébellion, l’État doit laisser faire : il est incompétent pour juger ; à plus forte raison ne saurait-il légitimement condamner et punir.

M. Beaussire ne se dissimule pas, d’ailleurs, que, dans la pratique, il faut tenir compte de mille causes qui rendent à peu près impossible l’application rigoureuse et absolue des principes. Aussi ne se propose-t-il autre chose que d’esquisser les traits d’un idéal dont la société doit tendre à se rapprocher de plus en plus. Peut-être, sur quelques points, aurions-nous quelques réserves à faire, et serions-nous tenté de penser que M. Beaussire a sacrifié un peu trop le droit de l’État : mais nous ne pouvons entamer une discussion qui serait mal à sa place dans cette Revue. Nous aimons mieux rendre un sincère hommage aux qualités remarquables dont l’auteur a fait preuve : libéralisme élevé et courageux, finesse d’aperçus, style élégant et ferme. Son livre s’impose aux méditations de tout homme politique, non moins qu’à celles du philosophe.

Y.