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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/57

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nolen. — les nouvelles philosophies en allemagne.

rience. Et cela est si vrai, que dans le chapitre consacré, à la fin de son grand ouvrage, à la détermination de la certitude métaphysique, Hartmann se résigne à ne revendiquer pour son système qu’une très-haute vraisemblance, c’est-à-dire, comme pour les théories que la science édifie laborieusement sur les données de l’expérience, qu’une certitude relative à la valeur et au nombre des arguments empiriques qui la soutiennent. Sans doute les raisonnements de l’auteur ne sont pas toujours d’accord avec ses intentions : mais nous exposons ici les principes de sa méthode plutôt que les applications qu’il en a faites. — Lange ne croit ni, comme Dühring, que la vérité scientifique tienne lieu de la vérité métaphysique, ni, comme Hartmann, que la seconde ait une certitude, ou si l’on aime mieux une vraisemblance supérieure à la première. L’une et l’autre sont des produits de l’organisation mentale du sujet pensant, et par conséquent ne doivent prétendre qu’à une valeur subjective. La seule différence qu’elles présentent, c’est que la science est l’instrument indispensable de notre activité matérielle, de nos relations avec le monde extérieur et par suite avec nos semblables, tandis que la métaphysique, comme la poésie, nous ouvre l’accès du monde idéal, la patrie préférée de nos âmes. La première nous est nécessaire comme le pain, la seconde comme l’amour. Dans l’une nous sentons, tout en le réduisant, notre esclavage à l’égard de la matière, tandis que par l’autre nous goûtons l’ivresse de la vie vraiment libre, de la vie divine. La vérité objective, absolue est un non-sens pour Lange. Mais si l’on parle d’une vérité humaine, relative, la science et la métaphysique peuvent y prétendre, à des titres divers ; et leur prix doit se mesurer à l’importance même des besoins différents, auxquels elles correspondent.


II. La matière, la vie, l’espèce, l’homme, les derniers
principes.


Étudions maintenant les conceptions de nos philosophes sur les éternels objets de la spéculation philosophique ; et voyons quelles lumières nouvelles leur métaphysique a su tirer des récents enseignements de la science sur la matière, la vie, l’origine des espèces, sur l’homme enfin et sur les derniers principes.

La matière, telle que Dühring la conçoit, est bien différente de la matière telle que le vulgaire l’entend ou que la définissent les physiciens. Elle est le sujet commun, en qui résident les propriétés physiques et les propriétés spirituelles des êtres ; la source féconde, d’où