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REGNAUD. — ETUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE 597

Maintenant que, par une digression nécessaire au point de vue de l'enchaînement des idées analogues, nous avons suivi chronologi- quement dans ses différentes phases l'évolution de la théorie védân- tique du sommeil et du rêve, nous allons reprendre, en lui appH- quant la même méthode, celle du profond sommeil et de la délivrance momentanée.

. Comme pour le sommeil simple, la Bvh. âr. Up. nous apprendra les conditions générales de l'état de profond sommeil :

IV, 3, 15. (( Ce purusha se trouvant dans l'état de profond sommeil (samprasâda *), y ayant goûté des jouissances (diverses), s'y étant promené çà et là ^ et y ayant vu le fruit du bien et du mal ^, revient, 6n suivant une marche inverse, à son lieu d'origine, qui est l'état de rêve (ou de simple sommeil) ^ Tout ce qu'il voit alors ne l'enchaîne pas, carie purusha n'entre pas en contact (avec cela) ^. »

— 19. « De même qu'un faucon ou un aigle, après avoir volé dans l'éther, est fatigué et, resserrant ses ailes, se dirige vers son nid, de même ce purusha se précipite vers ce but où, étant endormi, il n'éprouve aucun désir et ne voit aucun rêve ^. »

Le séjour de l'âme dans l'état de profond sommeil donne lieu dans les Upanishads à d'étranges descriptions anatomiques relatives aux organes sur lesquels ce phénomène influe. Nous allons relater les plus importants.

Brh.-âr.-Vp., II, 1, 19. « Quand il (le purusha) est dans un état de profond sommeil, alors il ne connaît plus rien. Il y a 72,000 veines

1. L'état de profond sommeil est appelé samprasâda, parce qu'il est parfaite- ment favorable (samyak prasidati), en ce sens qu'on y laisse de côté toutes les peines (tîrno hi tadâ sarvân çokân bhavati). (Çankara.)

2. En vision, en idée seulement, et non pas en action {drshtvaiva na krtvety arthah). [Çank.)

3. C'est-à-dire qu'il n'a plus de communication directe avec le bien et le mal. Il n'agit plus (intellectuellement) en ce qui les regarde. Autrement, cette action, cette œuvre l'enchaînerait, c'est-à-dire entraînerait pour lui des consé- quences bonnes ou mauvaises. Mais le seul fait de l'observation (darçana) du bien et du mal dans leurs effets ne doit pas être considéré comme un acte. {Çank.)

4. Pour entrer dans lé profond sommeil, il faut passer par le simple sommeil, de même qu'il faut y revenir pour retomber dans l'état de veille. (Çankara.)

5. C'est l'œuvre qui enchaîne l'âme; or, l'œuvre n'est possible pour elle que ^uand elle entre en relation avec les choses matérielles, ou l'ensemble des effets et des causes, ce qui ne saurait avoir lieu pour le purusha dans l'état de sommeil et de profond sommeil, puisqu'il a retiré à lui les sens qui sont ses intermédiaires avec le monde matériel. (Çank.)

6. Dans l'état de profond sommeil, il pénètre en lui-même (ou dans l'âme suprême) (svayam âtmânam prâviçati), comme l'oiseau dans son nid. Là, il est délivré de toutes les conditions auxquelles il était soumis dans le cercle de la transmigration et ne fait plus d'efforts pour obtenir le fruit des œuvres accom- plies, qui devient à son tour l'agent de toutes les œuvres nouvelles {sarva- kriyâkârakaphalâyâsaçûnyam). {Çank . )

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