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596 REVUE PHILOSOPHIQUE

lieux et des direclions différentes. Ce qui a été vii et non vu \ ce- qui a été entendu et non entendu, ce qui a été perçu et non perçu^ — il voit tout (cela); lui qui est tout, (voit tout). »

Dans son commentaire sur les Brahma-Sûtras, Ça?ikara confirme la même théorie en ce qui concerne le rêve, en ajoutant quelques remarques intéressantes.

Le rêve a pour cause les perceptions acquises ou les impressions recueillies durant Tétat de vieille 2. L'évocation de ces impressions n'est pas volontaire [sàmkalpika), autrement on n'aurait jamais de rêves désagréables. Les créations {srshti) du rêve ne sont pas réelles (pâramârthika) ^ comme la création proprement dite composée des cinq éléments et de leurs modifications ^ Du reste, cette création-ci n'est elle-même pas absolument réelle; tout le développement maté- riel (prapanca) n'est qu'illusoire {mâyâmâtra). Toutefois les deux créations diffèrent l'une de l'autre en ce que le développement ma- tériel résultant des combinaisons des cinq éléments dure jusqu'à ce qu'on ne reconnaisse l'identité du moi et de Brahma, ou, en d'autres termes, jusqu'au moment de la délivrance, tandis que le développe- ment matériel dont on a l'idée dans le rêve s'anéantit chaque jour au moment du réveil *. Si l'on objecte que le rêve présage l'avenir ^ et que par conséquent il est réel,' il convient de répondre que la chose présagée peut être réelle ou vraie ; mais la vision qui s'y rap- porte ne l'est pas, car elle ne satisfait généralement pas aux condi- tions de lieu et de temps qui rendraient au moins son existence réelle vraisemblable ^.

Enfin, le Vedânta-Sâra résume brièvement la théorie du rêve en disant aussi qu'il résulte des impressions recueillies dans l'état de veille ^.

1. Ce qui a été vu dans cette même existence. Ce qui n'a pas été vu est ce qu'on a vu dans une autre existence. (Çank.)

2. Jâgaritaprabhavavâsanâiiimittatvât svapnasya. {Çank., Gomm. sur les Brahma-Sûtras, III, 2, 6.)

3. Id., ibid.

4. Pâramârthikas tu ânyam samdhyâçrayah sargo viyadâdisargavad iiy et âva pratipâdyate. na ca viyadâdisargasyâpy âtyantikam satyatvam asti pratipddi- tam hi tadanyatvam ârambhanaçabdâdibhyah ity atra samastasya prapan- casya mâyâmâtratvam. prâk ca brahtnâtmadarçanât viyadâdiprapanco vyavas- tlntarûpo bhavati samdhyâçrayas tu prapancah pralidinam bâdhyata ity ato vaiçeshikam idam. saxndhyasya mâyâmâtratvam uditam..{Çank., Gomm. sur les Brakma-Sûtras, III, 2, 4.)

Ce passage établit, contrairement à l'assertion de Golebrooke {Miacell. Essays)^ que Çaiikara connaissait la conception de mdyâ.

5. Sucakaç ca hi svapno bhavati bhaviahyatoh sâdhvasâdhunoh. (Çank., Com.^ sur les Brah.-Sûtr., III, 2, 4.)

6. Id., ibid., III. 2, 3 et 4.

7. Jâgradvâsanâmayatvât svapnah. n° 63.

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