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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/611

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REGNAUD. — ETUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE 601

jîva, au contraire, se distingue par l'œuvre et la science qui lui sont propres.

Au sûtra 10, il s'agit de savoir si la syncope constitue un état spécial de l'âme, un cinquième état à joindre à l'état de veille, de sommeil, de profond sommeil et à celui où elle se trouve en quittant le corps.

Cet état diffère de celui de veille, puisqu'on n'y perçoit pas les objets des sens. Il diffère aussi du sommeil, parce que dans la syn- cope on ne se souvient pas d'avoir eu des rêves. L'âme, dans la syncope, ne quitte pas le corps, puisque la respiration et la chaleur vitale persistent. La syncope diffère enfin du profond sommeil par les caractères suivants : un homme évanoui reste parfois assez long- temps sans respirer, il éprouve des spasmes, son visage se contor- sionne d*une manière effrayante, et ses yeux roulent dans leurs orbites, tandis que dans le profond sommeil on a la figure calme, on respire à intervalles réguliers, les yeux restent fermés et les membres en repos. Il suffit alors qu'on vous prenne par la main pour vous éveiller, au lieu que, dans la syncope, même un coup de marteau ne fait pas cesser l'évanouissement. D'ailleurs, les causes de la syncope ne sont pas les mêmes que celles du profond sommeil, puisque celle-là résulte d'un coup reçu, etc., tandis que celui-ci arrive par suite de la fatigue. On ne confond pas dans le langage ordinaire la syncope avec le sommeil. La syncope tient donc le miheu entre le profond sommeil et un autre état : l'âme étant alors absorbée dans l'atman, en tant que la conscience personnelle n'existe plus, et ne l'étant pas, si l'on tient compte des différences avec l'état de pro- fond sommeil qui viennent d'être indiquées. Cet état est comme la porte, la préface de la mort. Quand l'œuvre est accompagnée d'un reUquat, Içi parole et le manas reviennent ; quand l'œuvre est sans reliquat, le souffle vital et la chaleur disparaissent. Puisque la syn- cope est une demi-absorption, c'est une situation intermédiaire et non pas un cinquième état.

Nous n'avons plus à consulter que le Vëdânta-Sâra pour achever de traiter d'après les sources la question de la déUvrance dans ses rapports avec le profond sommeil. C'est ce que nous allons faire avec l'aide du commentaire de Râmakrshna Tirtha sur cet ouvrage.

Nous avons déjà eu occasion de remarquer que le Védânta-Sâra a scruté certaines parties de la doctrine davantage qu'elles ne l'ont été dans les documents vedântiques antérieurs . De là parfois des aperçus nouveaux et intéressants. C'est ce qui a eu lieu pour le sujet qui nous occupe. Comme nous venons de le voir, pour Çankara, l'état de l'âme dans le profond sommeil n'est pas autre chose que TOME VI. — 1878. 3'J

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