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jouissances voluptueuses, n'émet plus les excréments, ne marche plus ; — il dort, dit-on. »

D'après le commentaire de Çankara sur les Brâhma-Sûtras \ le lieu du profond sommeil sont les veines du cœur, la puritat, ou l'enveloppe du cœur, et l'éther du cœur où réside Brahma, pris en bloc {sannicayena), et non pas ces mêmes parties considérées comme indépendantes les unes des autres {vikalpena). Mais les veines et l'enveloppe ne servent que de porte d'entrée pour arriver à Brahma, d'où l'on peut conclure que Brahma est le siège unique et immuable du profond sommeil. Il est à remarquer que les veines du cœur sont le séjour exclusif de jîva, (l'âme individuelle), car c'est là que les organes agissent. Or jîva ne saurait se séparer de son attribut (upâdhi), c'est-à-dire des organes tels que la buddhi, etc. Jîva n'a pas de séjour propre quand il est séparé de Vupâdhi, parce qu'alors il s'unit à Brahma. L'âtman étant toujours identique à lui-même, jîva lui est toujours uni ; seulement, dans les états de sommeil et de veille, par l'effet de Vupâdhi qui l'enveloppe, jîva a pour ainsi dire acquis une nature différente de l'atman, tandis que, dans le pro- fond sommeil, Vupâdhi se dissolvant, jîva retrouve sa vraie nature dans l'âtman.

Au sûtra 9 (III. 2), on agite les questions de savoir si jîva perd son identité par suite de l'absorption dans l'âtman qui a heu pour lui dans le profond sommeil, ou, en d'autres termes, si l'âme qui s'éveille après le profond sommeil est bien celle-là même qui s'est endormie. D'après les vedântins, jîva retrouve au réveil son identité. Ils en donnent plusieurs preuves. D'abord si cette identité ne se recons- tituait pas, il n'arriverait pas de voir achever le lendemain la besogne ou le sacrifice qu'un individu a commencé la veille. De même, on ne garderait pas d'un jour à Tautre la mémoire de ce que l'on a vu ni le souvenir même de son identité. En outre, les prescriptions rela- tives à l'œuvre et à la science seraient sans objet, attendu que chaque jîva tombant dans le profond sommeil y trouverait la délivrance, et qu'il ne saurait plus être question de fruit à acquérir par le sacrifice ou par fœuvre pour une époque postérieure. Tous les effets de l'activité individuelle seraient perdus. Pour les uns, la déhvrance ne serait plus définitive, tandis que les autres l'obtiendraient sans que l'ignorance ait cessé pour eux. Si l'on objecte qu'il en est de jîva uni à l'âtman comme d'une goutte d'eau jetée dans un vase qui est plein de ce liquide, il convient de répondre que rien ne distingue la goutte d'eau et ne permet de la reprendre telle qu'elle était d'abord ; mais

1. III. 2, 7.

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