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analyses. — mayr. — Geschichtsauffassung der Neuzeit

déisme, qui recule par delà les limites du temps et de l’espace l’action directe de la divinité, est la doctrine secrète de l’historien moderne : dès lors, plus d’autres facteurs des événements historiques que la nature et l’homme. Le défaut des historiens anciens était de rapporter tout ou presque tout à un dessein réfléchi de l’homme ; de nos jours, l’historien et le philosophe s’efforcent sans cesse davantage d’explorer la sombre région des instincts, des stimulants de la volonté, des forces psychiques élémentaires auxquelles l’intelligence est* liée et assujettie. Ajoutez l’influence des circonstances fortuites, l’hérédité du passé, l’action des grandes personnalités, l’effet des haines privées, la religiosité des foules, parfois les caprices d’une femme, et le reste. « La philosophie historique de l’avenir devra dépouiller son caractère optimiste et métaphysique pour se placer sur le terrain de la réalité. Du sous-sol ténébreux des tendances égoïstes de la volonté il lui faudra dégager et mettre en lumière la disposition des forces aveugles de la nature, le combat pour l’existence et l’explosion subite des événements. Elle reconnaîtra que les idées de beau et de vrai, d’une façon tout accessoire certes, moins pour elles-mêmes qu’à cause de leur utilité pratique, arrivent à prévaloir un peu par leur propre force dans l’épouvantable lutte pour la destruction d’autrui ; elle signalera le progrès du développement humain, sans préjugés, comme il s’est produit, avec ses bornes, avec ses bosses et ses éraflures, celles qu’il a reçues dans la mêlée. Et pourtant c’est dans cette miette de bonheur, dans cette lueur de l’idéal qu’est le prix, l’attrait de l’existence : cela suffit pour redresser toujours de nouveau l’humanité chancelante. Affirme-t-elle, cette humanité, ou nie-t-elle la vie ? Ce n’est point la question. De même que l’individu, sans être consulté, plonge dans la nuit de l’inconscience, ainsi un beau jour l’humanité sera engloutie et expiera le crime d’avoir dans un monde absurde, silencieux et glacé par la mort, usurpé la conscience et la vie (p. 38). »

Aujourd’hui donc, le déterminisme des faits est un axiome de la conception positive de l’histoire, toute réserve faite d’ailleurs en faveur de la conscience humaine. La méthode d’appréciation d’autre part, d’optimiste qu’elle était avec les théologiens et les métaphysiciens de profession, est devenue pessimiste. « Le pessimisme est la franche manière d’envisager les choses, la seule naturelle et digne : c’est le véritable idéalisme. L’optimisme conduit à défigurer la réalité : il est la pierre d’achoppement de toute aspiration vers le mieux ; c’est la caricature de l’idéalisme vrai. Le pessimisme des philosophes amis de la lumière se détourna avec horreur de cette figure grimaçante et s’écria : Laissez-nous construire un monde nouveau à l’image de nos idées. L’optimisme, lui, se fit l’avocat de la vieille courtisane, loua les taches et les verrues de son visage, disant que cela rehaussait la beauté des autres parties. Le pessimisme d’une époque de lumières critique le passé, tout en l’expliquant par ses causes naturelles ; mais il le condamne en tant que résultante de forces aveugles, déraisonnables et