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(p. 8-20). On ne saurait penser à assimiler immédiatement le travail négatif au plaisir, le travail positif à la douleur, l’état d’équilibre à l’indifférence. Il faut avant tout rechercher expérimentalement les rapports de notre état sensible avec l’excitation d’un nerf. Suivant Wundt, dès que l’excitation atteint le seuil de la conscience, nous éprouvons une très-faible sensation agréable (positive) qui va toujours croissant à mesure que l’excitation augmente ; le plaisir atteint son apogée au moment où la valeur objective des sensations est le plus nettement distinguée. De ce point, la « courbe sensible » descend rapidement : la sensation reste d’abord agréable, devient ensuite indifférente, atteint le zéro et descend au-dessous de la « ligne des abscisses ; » devenue de plus en plus pénible, elle arrive à une valeur négative infinie quand l’excitation nerveuse est parvenue à son maximum (Wundt, Grundzûge der physiologischen Psychologie, p. 433).

M. Horwicz n’accepte les résultats de Wundt que pour les phases moyennes. À son avis, les choses se passent différemment au début et à la fin. Quand on place la main sur un corps qui s’échauffe peu à peu, les premières impressions sont légèrement désagréables, comme dans le cas du chatouillement. À mesure que l’excitation augmente, des sensations de plaisir prennent naissance à côté des premières, croissent rapidement, les dépassent et finissent par les reléguer complètement dans l’ombre. Le même phénomène se reproduit en sens inverse dans le passage des sensations de plaisir à celles de douleur. En somme, comme Platon et Kant l’ont bien vu, il n’existerait ni plaisir ni déplaisir absolument pur : les deux sentiments se trouveraient toujours mélangés à doses inégales ; l’impression définitive ne serait qu’une résultante (p. 25-30).

Ces faits admis, il s’agit d’en tirer des conclusions. M. Horwicz ramène à quatre les systèmes proposés sur la nature du plaisir et de la douleur. Ce sont : 1° celui de Kant (le plaisir et la peine sont la conscience de ce qui favorise ou empêche la vie) ; 2° celui de Wundt (le plaisir réside dans le contraste) ; 3° celui des cyniques et de Schopenhauer (la douleur, seul sentiment réel, est identique au manque, Mangel ; le plaisir n’est que l’absence de la douleur) ; 4° celui de Beneke (le plaisir consiste dans l’équilibre). À ces quatre systèmes il faut ajouter la théorie de Lotze que M. Horwicz regarde comme une modification de celle de Kant : le plaisir et la douleur consistent dans le rapport de l’excitation avec la fonction du nerf. Aucune de ces thèses ne paraît à l’auteur contenir toute la vérité ; mais chacune en renferme une part. Sa solution, embarrassée par un luxe très-inutile de métaphores, de répétitions et de digressions, nous semble une sorte de conciliation de ces opinions diverses. En effet, M. Horwicz admet, avec Kant, que « le sentiment est la conscience de l’utile ou du nuisible » (p. 52) ; avec Lotze, que cette conscience ne s’applique d’abord qu’au fonctionnement d’un nerf particulier pour s’étendre ensuite à l’ensemble du système nerveux et de l’organisme ; il accorde à Wundt que le contraste, accom-