Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/635

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
625
analyses. — horwicz. — Psychologische Analysen

pagné en général d’un travail moléculaire positif et d’un déploiement d’énergie latente, est la source la plus ordinaire du plaisir ; mais il proclame avec Beneke que le contraste n’engendre le plaisir qu’à la condition de rencontrer une faculté (Vermögen) d’adaptation assez grande pour se « l’assimiler » et parvenir à une sorte d’état d’équilibre ; enfin il reconnaît avec Léon Dumont que cette position d’équilibre est relative, labile, variable entre certaines limites, et que le plaisir et la douleur ne se rapportent pas tant à l’état d’équilibre qu’au mouvement même (κίνησις) par lequel il tend à s’établir (p. 41). De cette solution syncrétique M. Horwicz n’exclut guère que l’opinion de Schopenhauer et de M. de Hartmann, qui lui semble reposer sur un paradoxe insoutenable : car la relativité de la douleur pourrait tout aussi facilement s’établir que celle du plaisir[1].

En résumé (si nous avons bien compris la pensée de M. Horwicz), il ne faut pas chercher la cause du plaisir et de la peine ailleurs que dans les processus qui constituent l’essence de la vie elle-même : le contraste et l’habitude. Les êtres organisés, nés et formés pour le changement incessant, possèdent tous un certain pouvoir d’adaptation aux excitations du dehors, pouvoir dont il faut chercher l’origine dans les mystérieux laboratoires des tissus nerveux ; si l’excitation reste trop au-dessous ou au-dessus de ce pouvoir latent, l’adaptation ne peut se produire, et l’être éprouve une certaine rupture d’équilibre qui est la douleur ; dans le cas contraire, il s’établit entre le dehors et le dedans une harmonie qui est le plaisir. C’est ainsi que « l’habitude, en tempérant l’excitation trop vive de la nouveauté, élève à un degré de plaisir très-intense un sentiment jusqu’alors douloureux » (p. 53). Les organismes ne diffèrent les uns des autres que par les limites plus ou moins étendues de leur faculté d’adaptation ou de jouissance (Lust-Vermögen) : plus grande est la somme de leurs énergies intérieures, plus fortes sont les excitations qui peuvent encore être ressenties comme agréables.

II. — Caractère général et classification des sentiments. — M. Horwicz nous renvoie à son prochain volume pour la « théorie générale des sentiments » ; il n’en présente pour le moment que l’esquisse (livre I, chapitre 5). Certaines questions d’un très-grand intérêt ne sont encore qu’effleurées ; citons notamment celle de l’action directe des sentiments sur les organes et de leur localisation, puis la matière non moins obscure des Stimmungen ou dispositions générales de l’âme, résultant du mélange de plusieurs sentiments dont aucun n’est assez fort pour dominer les autres et concentrer notre activité. Sur tous ces points, il nous faut attendre des éclaircissements ultérieurs ; mais nous

  1. M. Horwicz n’est pas tendre pour le néo-pessimisme. Le principe de Schopenhauer se réfute, dit-il, par lui-même, en conduisant (par exemple dans la théorie de l’amour) : « Zu eben so fabelhaft ungeheuerlichen als zugleich trist-plnliströsen Konsequenzen » (p. 37).