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analyses. — kirchmann. — Katechismus der philosophie.

vent nous rendre insensibles à la beauté naturelle ou artificielle. Il ne peut pas expliquer non plus ce qui évoque chez l’artiste la conception du beau, ni donner d’autre cause à l’admiration qu’un état vague qui équivaut à l’inconscient de Hartmann. Tous les arts s’harmonisent en amoindrissant leur domaine spécial, et c’est ainsi que les vers s’allient à la musique, la peinture à l’architecture. En partant de l’architecture, Kirchmann énonce une idée à noter, c’est que l’architecture moderne est plus spiritualiste que l’ancienne, et qu’ainsi l’homme qui est imbu d’idées classiques ou anciennes, ne peut comprendre les formes modernes. Soutiendra-t-on pourtant que l’architecture de nos grandes rues modernes est plus spiritualiste que celle des temples grecs ? Nous croyons que l’utilité y a bien plus à faire que la beauté spiritualiste. Avec le progrès de notre siècle, fécond en belles inventions pratiques, l’imagination, source du spiritualisme, perd peu à peu sa force chez la plupart des hommes.

Philosophie religieuse[1]. — La religion est un monde idéal que l’homme a créé. C’est l’imagination seule qui peut l’expliquer.

L’idéalisme veut réconcilier la philosophie et la religion. Le réalisme se borne à constater l’existence d’un système qu’il ne peut ni défendre, ni attaquer. Il ne nie pas un monde futur, il ne l’affirme pas non plus. La religion est un objet de connaissance : mais celle-ci n’en est pas la source. — Le réalisme considère les résultats de la religion, notamment la foi qui paraît partir d’un grand respect pour une haute autorité, et l’organisation sociale qui embrasse la vie des différents peuples, tout en restant neutre.

Les religions primitives ont eu leur origine dans la crainte des forces naturelles qui demeuraient incomprises des sauvages. Ce sont elles qu’ils honoraient comme leurs dieux. Il naquit ainsi un culte et un sacerdoce pour le diriger. Peu à peu, se forma l’idée d’un monde futur avec récompenses et peines suivant les actions. Et comme les dieux s’effaçaient de plus en plus derrière l’action de la nature, on vint à l’idée d’un dieu unique. Cette croyance a été greffée sur l’ancienne par des hommes intelligents qui ont reçu différents titres religieux qui les rapprochaient de la divinité. De la religion est née la morale et, par conséquent, l’état social.

Mais dans cette œuvre de la fantaisie humaine, il y a des germes de décadence et de corruption. Ainsi, il y a eu toujours dans l’Église un parti spiritualiste qui aboutit à une réforme, au succès de laquelle a contribué beaucoup la rivalité des princes avec les pontifes. La science y coopéra aussi et déclara une guerre implacable au dogmatisme religieux. Cette lutte dure toujours, sauf quelques répits, et les deux combattants espèrent toujours la victoire. Il en est sorti aux derniers siècles le surnaturalisme, le socinianisme, l’arminianisme, auxquels

  1. Katechismus der Philosophie, p. 225, 247.