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analyses. — secrétan. — Discours laïques.

protestantisme orthodoxe, et aussi la froideur que lui ont témoignée ceux des penseurs pour qui les choses de la croyance ne doivent pas se mêler aux vérités démontrées.

Quoi qu’il en soit, l’alliance intime des croyances religieuses et des convictions philosophiques laisse intactes, en M. Secrétan, la largeur des idées, la vigueur et la pénétration de la dialectique. On s’en assurera à la lecture des discours intitulés : la Thèse de l’empirisme, le Darwinisme, le Matérialisme, le Phénoménisme contemporain, l’Athéisme. Ces fragments seront lus avec intérêt par les partisans et par les adversaires de la métaphysique. Nous ne pouvons les analyser ici. Ce sont des discussions pour défendre une doctrine qui se croit établie sur un terrain solide et de là repousse des assaillants divers. M. Secrétan s’attaque particulièrement aux doctrines qui nient la métaphysique — il y a vingt ans c’était le positivisme, aujourd’hui c’est le phénoménisme de l’école anglaise — et celles qui, à son sens, la dénaturent, en voulant, comme le matérialisme, chercher dans les objets de la science proprement dite les éléments d’une notion de l’absolu.

Le darwinisme, chose rare chez un métaphysicien, trouve à peu près grâce devant lui ; ce qu’il en rejette, ce sont les conséquences forcées qu’en tirent les enfants perdus d’une métaphysique surannée, A son avis, cette doctrine est une solution plausible, et même la seule plausible d’un problème purement scientifique, qui n’entame en rien les solutions métaphysiques. « Du moment, dit-il, où le problème posé consiste à se représenter le comment des origines, question téméraire, mais inévitable au point de vue des sciences naturelles, je ne puis me représenter l’apparition d’un être nouveau dans le cercle des anciens que suivant l’hypothèse du transformisme. Je suis loin, très-loin, d’affirmer que les choses se soient réellement passées de la sorte ; mais cette représentation s’impose à moi quand je cherche à m’en former une, et je crois que le naturaliste est obligé de l’essayer, puisqu’il ne s’agit que d’un commencement relatif et d’un fait qu’il eût été possible d’observer. » Mais il se hâte d’ajouter pour éclaircir sa pensée : « La manière dont l’homme a fait son apparition sur le globe et les causes de cette apparition sont deux questions absolument différentes ; c’est un point sur lequel nous ne saurions trop insister. La solution donnée à la première de ces questions ne préjuge pas la seconde, qui doit être décidée par d’autres raisons. Que le premier homme ait été porté dans les lianes d’un autre mammifère, que l’humanité, pour mieux dire, se soit dégagée de l’animalité par des transitions imperceptibles, physiquement d’abord, puis moralement, ou que l’homme ait apparu soudain par un mouvement que nous sommes incapables de nous représenter, peu importe à la création, La création est un problème où les sciences naturelles n’atteignent point. » D’ailleurs la doctrine transformiste ne se prête-t-elle pas aux vues les plus chères à M. Secrétan ? Si l’humanité est déchue de sa dignité première par la faute du premier homme,