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ticulière dans les articulations elles-mêmes, sensation grossièrement évidente et même douloureuse au moment du réveil[1]. »

Pour d’autres, — Landry surtout a soutenu cette théorie, — les sensations produites par l’activité musculaire résident dans le muscle lui-même. C’est en se plaçant à un point de vue analogue que l’on a cherché et décrit dans l’intérieur des muscles des fibres nerveuses sensitives qui auraient pour but d’expliquer la sensibilité musculaire. Ainsi Cari Sachs[2] a publié un travail histologique et physiologique où il a montré que si l’on isole un muscle de telle sorte qu’il ne tienne au reste du corps que par son nerf moteur, on peut provoquer des mouvements réflexes généralisés à tout le corps par l’excitation faradique ou chimique de ce muscle. Cette expérience paraît au moins prouver que les muscles sont en fait le point de départ d’excitations centripètes qui peuvent être un des éléments des sensations musculaires.

D’après Jean Müller[3] au contraire, « il n’est pas bien certain que l’idée de la force employée à la contraction musculaire dépende uniquement de la sensation. Nous avons une idée très-exacte de la quantité d’action nerveuse partant du cerveau qui est nécessaire pour produire un certain degré de mouvement. Nous employons, pour soulever un vase dont la capacité nous est connue, un effort qui est calculé d’avance d’après une simple idée… Il serait très-possible que l’idée du poids et de la pression, dans le cas où il s’agit soit de soulever, soit de résister, fût, au moins en partie, non pas une sensation dans le muscle, mais une notion de la quantité d’action nerveuse que le cerveau est excité à mettre en jeu. »

Cette théorie, d’après laquelle les sensations dites musculaires seraient dues à des changements du sensorium, a été reprise et modifiée par Cl. Albutt, Ludwig, Wundt et surtout A. Bain. « Comme les nerfs reçus par les muscles sont principalement des nerfs moteurs qui y conduisent le stimulus émané du cerveau ou des centres nerveux, nous ne pouvons mieux faire que de supposer que la sensibilité concomitante du mouvement musculaire coïncide avec le courant centrifuge de la force nerveuse et ne résulte pas, comme dans la sensation proprement dite, d’une influence extérieure transmise par les nerfs centripètes. On sait que les filets sensitifs se distribuent dans le tissu musculaire en compagnie des filets moteurs ; il est donc raisonnable de supposer que c’est par ces filets sensitifs que les états organiques d’un muscle affectent l’esprit. Il n’en résulte pas

  1. Trousseau, Clinique médicale, vol. II, p. 622.
  2. Archiv für Anat. und Phys., 1874.
  3. Müller, Manuel de physiologie, tom. II, p. 490 (2e  édit.).