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Le premier, dû à M. J.-E. Cabot, est consacré à quelques considérations sur la notion d’espace. L’étendue est le caractère le plus général des corps : nous ne pouvons en donner que des déterminations négatives, dire par exemple que c’est l’extériorité mutuelle des parties. On ne peut la considérer comme une affection des nerfs sensoriels, immédiatement sentie, ainsi que la couleur ; quoique un auteur que M. Cabot ne nomme pas « insinue que l’espace est une teinte bleuâtre » et quoique Riehl, dans ces derniers temps, ait considéré l’étendue comme « une conscience de noir et de blanc, de lumière et d’ombre ». Évidemment, l’étendue n’est pas une qualité et ne peut être qu’un rapport ; mais un rapport est un état de conscience, et un état de conscience, comme le dirait Hume, n’est nulle part, n’existe qu’en temps que senti. Comment une somme de ces zéros d’étendue peut-elle donner l’étendue ?

Si l’étendue se réduit à des rapports entre des impressions, comme les seuls rapports que nous saisissions immédiatement entre nos états de conscience sont des ressemblances ou des successions dans le temps, on se trouve ainsi conduit à ramener l’espace au temps. L’auteur expose brièvement la doctrine de Brown, Stuart Mill et Bain sur ce sujet. Il la combat. D’après lui, cette tentative d’explication suppose elle-même la notion d’espace, ou, ce qui est identique, d’une « succession synchronique ». Elle suppose aussi que le mouvement part d’un point ; or ce point est une détermination dans l’espace.

C’est aussi une grande difficulté de la question que d’expliquer l’extériorité. Cela n’est possible que du moment où l’on s’élève au-dessus de la pure sensation pour penser ; car « penser c’est saisir des rapports universels entre nos expériences particulières, c’est découvrir ce qu’ils signifient ». La première expression naïve de cette découverte est donnée dans le sens de l’espace, c’est-à-dire d’une extériorité par rapport à nous. Dans la théorie des signes locaux proposée par Lotze, adoptée par Helmholtz et Wundt avec quelques modifications, l’expérience apparaît comme une fonction logique, comme un procédé d’interprétation : mais cette théorie est loin de répondre à tout.

Conclusion de l’auteur : la notion d’espace résulte du travail de l’esprit opérant sur des données dont nous ne savons rien directement, parce qu’elles sont au-dessous de la conscience. — Cette notion est-elle une création purement mentale, ou répond-elle à quelque chose d’indépendant de l’esprit ? La réponse dépend de ce que l’on entend par esprit. Si l’on entend par ce mot un simple agrégat d’états de conscience, une existence dans l’espace doit paraître à une telle conscience absolument incompréhensible. Si l’on entend par esprit quelque chose qui peut réfléchir sur ses propres impressions, alors nous pouvons dire que l’espace est une création de l’esprit, mais sans pour cela le considérer comme non réel.

W. James. L’Intelligence chez la brute et chez l’homme. — Pour distinguer l’intelligence de l’animal de celle de l’homme, on a fait valoir