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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/146

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la responsabilité de l’agent nécessité. Il faut renverser les termes de sa thèse pour avoir sa pensée véritable ; dans l’exécution, le terme principal est devenu accessoire, et réciproquement. La portée de ce travail est donc encore plutôt psychologique dans un sens très-large, que sociale.

Dix arguments en faveur du libre arbitre sont d’abord examinés et réfutés, dans un ordre satisfaisant : 1° La conscience intime qu’aurait le genre humain de sa liberté est attaquée la première dans le témoignage individuel et dans celui du sens commun. Le témoignage individuel est déçu par une illusion presque inévitable, parce qu’elle tient à la nature même de notre esprit. De même que nous formons, avec tous les faits où des corps s’attirent, l’idée abstraite d’attraction, ainsi nous formons, avec tous les cas où une action émanant de nous-mêmes a été observée, l’idée abstraite de volonté. Peu à peu, comme les forces physiques ont été personnifiées, réalisées en dehors et au-dessus des phénomènes par l’humanité primitive, ce pouvoir abstrait de vouloir a été séparé des actes émanant de nous et considéré par l’imagination comme une réalité distincte, supérieure à ces actes, capable de les produire. En fait, les causes directes de chaque détermination existent ; elles suffisent à expliquer l’acte sans qu’on ait recours à la volonté et à la liberté ; mais elles sont presque toujours ignorées, parce qu’elles sont et trop nombreuses et trop lointaines, parce qu’enfin elles sont inconscientes. C’est l’inconscient qui nous gouverne : le psychologue le plus pénétrant doit renoncer à pénétrer les menues causes de ses actes dans la presque totalité de sa vie ; comment le vulgaire, qui est absolument incapable de cette analyse, ne se laisserait-il pas aller à tout expliquer par une cause unique, la même pour tous les actes, comme il le fait pour chaque catégorie de phénomènes extérieurs ? La conscience donne le fait, que nous nous croyons libres ; elle n’est pas garante de sa vérité ; son témoignage ne saurait se démontrer par lui-même ; il a besoin d’être critiqué ; et cette critique nous montre que chaque phénomène de conscience a ses causes déterminantes. Il en est de même du sens commun, qui peut servir à la spéculation de matière, mais non de règle et de principe : d’autant plus récusable en cette occurrence que la plupart des hommes sont persuadés qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent, mais non qu’ils peuvent décider ce qu’ils veulent ; la liberté à laquelle on croit est plutôt une liberté physique qu’une liberté absolue ou transcendante, c’est-à-dire un pouvoir d’exécuter sans empêchement ses résolutions. — 2° L’argument de Kant fondé sur la conscience morale vaut pour ceux qui admettent le caractère a priori absolu de l’idée du bien. Il