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espinas. — philosophie expérimentale ex italie

n’a aucune force pour ceux qui n’accordent à cette idée qu’une priorité relative, par rapport à l’individu, c’est-à-dire qui reconnaissent en elle le fruit d’une longue évolution dans la race, et le résumé des expériences multipliées d’utilité collective recueillies par les ancêtres dans un passé très-lointain. Il y a dans les idées morales une impulsion nécessitante, plus ou moins considérable suivant les antécédents héréditaires et disciplinaires de chacun de nous, mais suffisante du moins pour maintenir le grand nombre dans les conditions essentielles de la vie sociale. Notre arbitre est asservi et non affranchi par elles. — 3° Le progrès ne prouve pas la liberté de l’homme. Est-il ou non soumis à une loi ? Il l’est inévitablement ; autrement, il ne serait pas, puisqu’il implique une certaine continuité, une certaine persistance de direction dans le mouvement des choses humaines : il nécessite donc. Il est en un sens fatal, et fatales comme lui sont les actions qui le produisent. — 4° On a invoqué les motifs comme offrant les conditions d’une action libre ; mais s’il est vrai que les causes extérieures une fois converties en motifs deviennent nôtres, bien plus, deviennent nous-mêmes, cela établit la spontanéité de nos actions, qui est le caractère de toute action quand on y regarde de près ; cela n’établit pas leur liberté. La croissance des plantes est spontanée ; la prolifération de la cellule est spontanée ; un enchaînement rigoureux de causes et d’effets n’en régit pas moins la production de ces phénomènes. — 5° C’est précisément par la connaissance des motifs habituels et de leurs effets qu’on peut prévoir les actions humaines ; celles-ci sont des phénomènes comme les autres, dont le retour est certain dès que leurs antécédents connus se réalisent. Le train ordinaire de la vie repose sur cette confiance en la fixité des motifs et de leurs effets ; l’industrie, le commerce, le crédit, l’action politique, l’éducation, etc., ne seraient pas un instant possibles si l’on cessait de pouvoir prédire les actions humaines, même éloignées, tant que leurs conditions peuvent être prévues. Dans les cas d’incertitude, c’est que nous ne disposons pas des données du problème, que nous ignorons les antécédents du phénomène à intervenir. Ces cas sont relativement rares, tandis qu’il faudrait, pour que la liberté bénéficie de la remarque, que les actions humaines ne puissent jamais être prévues. On dit que le même motif agit diversement sur deux individus: est-ce donc vraiment le même motif ? Comme si tout ne différait pas d’un individu à l’autre, organisation physique et intellectuelle, habitudes, antécédents, point de vue actuel, idées associées, etc. ! Comme si par exemple une idée était la même dans l’esprit d’un homme de génie et dans l’esprit d’un niais ignorant ! — 6° Les conséquences effrayent; on croit que la morale sera bouleversée par la négation