des dissidences, les deux plus grands physiologistes de notre temps, Virchow en Allemagne et Claude Bernard en France. C’est bien à tort que les adversaires du vitalisme invoqueraient, selon lui, en leur faveur la physiologie cellulaire de Virchow. Quoi de plus opposé en effet à la causalité physique et au mécanisme que ces multitudes de cellules, toutes, depuis la première jusqu’à la dernière, également vivantes et nous donnant chacune l’idée la plus complète de la pénétration de la vie et des organes jusqu’à leurs derniers éléments ? Il semble, au premier abord, moins facile de concilier avec l’unité ces innombrables légions de cellules dont se compose, suivant Virchow, l’être vivant. Sous peine d’anarchie, il leur faut une direction, un centre, un chef. Toutes ces cellules ne jouent pas le même rôle et ne sont pas au même rang. De même que dans la philosophie de Leibniz il y a des monades centrales et des monades centralisées, de même dans la physiologie de Virchow il y a une cellule primitive et des cellules secondes. De la cellule primitive sort par génération l’être tout entier ; elle seule constitue l’individu ; c’est en elle seule que l’unité réside. Toutes les autres, engendrées et vivifiées par elle, ne sont qu’une partie, une extension de cette première cellule engendrante qui les soutient et les régit tant que la vie dure.
Après Virchow, c’est Claude Bernard qui vient témoigner en faveur des principes du vitalisme. Il est vrai qu’il arrive un peu à notre grand physiologiste ce qui est arrivé à Hippocrate ; tout le monde, animistes, vitalistes, ou même positivistes et mécaniciens ne se font pas faute de l’interpréter à leur façon et de le tirer de leur côté, en opposant des textes à des textes. Cela tient à ce qu’il y a de flottant et d’indécis, quelquefois même de contradictoire, ne craignons pas de le dire, dans ses vues philosophiques sur la cause de la vie. Si les positivistes peuvent prendre avantage de tout ce qu’il dit du déterminisme des phénomènes de la vie, s’ils peuvent se prévaloir des passages où il affirme qu’ils doivent être expliqués par les seules lois de la physique et de la chimie, ceux du parti contraire peuvent le réclamer quand il s’élève à des vues d’un ordre supérieur et au-dessus de la causalité physique. M. Chauffard, comme c’est son droit, s’empare de ces vues, recueille certains aveux, tout en relevant avec respect, mais avec fermeté, quelques inconséquences philosophiques de l’illustre physiologiste.
Ce dont il le loue surtout, c’est d’avoir enseigné : « que la vie est une création, que ce qui est essentiellement du domaine de la vie, c’est l’idée directrice de l’évolution vitale, que dans tout germe vivant il y a une idée créatrice. » Il y a là sans doute une grande vérité, mais qui, selon M. Chauffard, demeure à moitié chemin et qui ne suffit pas à satisfaire un esprit vraiment philosophique. Cette idée directrice ne peut demeurer suspendue dans le vide : elle requiert impérieusement un sujet où elle réside, quelque âme, disons le mot, dont elle soit l’idée, sinon ce n’est qu’une abstraction. Il ne sert de rien à Claude Bernard d’associer, en d’autres passages, la loi à l’idée et de dire, par